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AES-CEDEAO : le Ghana prend ses distances avec la ligne dure d’Abuja 

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Dans un contexte de tensions entre l’AES et la CEDEAO, la visite du président ghanéen John Dramani Mahama au Mali, ce samedi 8 mars 2025, constitue une tentative de rapprochement stratégique, entre dialogue diplomatique et pragmatisme économique.

Il y a des visites officielles qui relèvent du protocole. D’autres, plus rares, s’inscrivent dans une dynamique politique dont les répercussions dépassent les convenances diplomatiques. La venue au Mali, ce 8 mars 2025, du président ghanéen John Dramani Mahama appartient à la seconde catégorie. Plus qu’un simple déplacement d’amitié et de travail, cette visite scelle un tournant diplomatique majeur, un réajustement des équilibres sous-régionaux dans une CEDEAO en pleine crise existentielle, face à la montée en puissance de la confédération des États du Sahel (AES), née de l’union du Mali, du Burkina Faso et du Niger, en juillet 2024.

Un accueil millimétré, un enjeu stratégique

À 11 h 15 précises, sous un épai brouillard, l’avion présidentiel ghanéen touche le sol malien. Sur le tarmac de l’aéroport international Modibo Keïta-Sénou, John Dramani Mahama descend les marches, le regard serein, mais conscient de l’enjeu de sa visite. Face à lui, le général d’armée Assimi Goïta, impassible, l’accueille avec la fermeté habituelle d’un chef militaire qui n’a plus rien à prouver.

Hymnes nationaux, salut aux troupes, accolades officielles. Le cérémonial est bien rodé. Mais derrière les poignées de main et les sourires d’usage, c’est un jeu d’équilibre diplomatique qui se joue. Car si le Ghana et le Mali partagent des relations historiques, la réalité politique d’aujourd’hui impose un dialogue plus subtil.

Dans la salle feutrée du Palais de Koulouba, loin des caméras, les discussions prennent une tournure plus directe. Deux visions du futur s’opposent-elles ? Ou bien l’heure est-elle enfin venue de repenser les alliances dans un espace ouest-africain en recomposition ?

Aes-cedeao : l’heure de vérité

Loin des discours lisses d’antan, John Mahama parle franc. Contrairement aux caciques d’Abuja, il refuse d’aborder la rupture entre la CEDEAO et l’AES comme une guerre froide intra-africaine.

« Le manque de confiance doit être corrigé afin qu’un respect mutuel puisse exister entre les leaders de chacun de ces regroupements », plaide-t-il. « Nous devons œuvrer à instaurer des relations dignes de ce nom entre l’AES, qui est une réalité irrévocable, et la CEDEAO. »

Un aveu implicite que le rapport de force a changé ? Sans doute. Mais surtout, la reconnaissance que l’AES n’est plus un accident diplomatique, mais une alternative qui s’installe. Le Ghana, lui, ne veut pas être réduit au rôle de spectateur dans cette recomposition du jeu sous-régional.

Une coopération reconstruite sur des bases nouvelles

Mais si la géopolitique domine les débats, le pragmatisme économique reprend vite ses droits. Bamako et Accra, malgré la complexité institutionnelle actuelle, restent liés par des intérêts stratégiques.

Sur la table, le corridor sud, axe névralgique du commerce malien, est au cœur des préoccupations. Goïta et Mahama tombent d’accord sur l’urgence de moderniser les infrastructures, d’assouplir les formalités douanières et de renforcer les échanges commerciaux.

Autre dossier prioritaire : la lutte contre le terrorisme. Le Ghana, encore relativement épargné, sait qu’il n’est qu’à un souffle d’être pris dans la tourmente sécuritaire qui frappe le Sahel. Mahama ne cache pas son intérêt pour une coopération renforcée avec Bamako, fort de son expérience militaire et de sa nouvelle autonomie stratégique.

Dans cette optique, les deux États s’engagent à réactiver la grande commission mixte de coopération, dont la dernière session remonte à 2011. Un signal fort, mais surtout un engagement de terrain, loin des discours purement symboliques.

Mahama, le chaînon manquant entre Abuja et Bamako ?

En quittant Koulouba, John Mahama laisse derrière lui une question ouverte : le Ghana peut-il être ce pont entre une CEDEAO à bout de souffle et une AES en pleine affirmation ?

Si Abuja prône la confrontation, Accra choisit la diplomatie de l’équilibre. Ni dans la rupture brutale, ni dans l’alignement aveugle, Mahama joue la carte de la réconciliation par le dialogue, sans occulter la nécessité d’un nouveau cadre de coopération adapté aux réalités actuelles.

Reste à savoir si Assimi Goïta saisira la main tendue. Car une chose est sûre : l’AES avance, et ceux qui refusent de le voir s’exposent à un réveil brutal.

Chiencoro Diarra


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