La France voit son influence en Afrique s’effriter sous l’élan des nouvelles souverainetés. Cette reconfiguration des rapports de force entre l’ancienne puissance coloniale et ses ex-partenaires stratégiques trace le destin de ces deux anciens alliés.
La politique française en Afrique est-elle en train de mourir de sa belle mort ? En tout cas, les relations de coopération entre l’Hexagone et l’Afrique ne sont plus au beau fixe comme elles l’étaient durant la période du « béni oui oui » ou du « oui, Maître ».
La rupture de la coopération militaire, à travers la dénonciation des accords de défense entre la France et les pays membres de la Confédération des États du Sahel (AES), ainsi que la fermeture des bases militaires françaises au Tchad, au Sénégal et en Côte d’Ivoire rappellent l’époque des indépendances africaines.
Une nouvelle tendance dans les relations internationales
Après l’accession à l’indépendance, la France a été exhortée à retirer ses militaires des pays désormais souverains et capables d’assurer leur propre sécurité. C’est pourquoi, au Mali, bien que l’armée nationale ait été créée le 1er octobre 1960, il a fallu attendre le 20 janvier 1961 pour voir le dernier soldat français quitter le territoire malien, une date désormais célébrée comme la fête de l’Armée nationale.
Ces départs récents rappellent donc cette période des indépendances, où le colonisé a tordu le bras de son ancien maître et l’a forcé à accepter sa volonté. Les nouvelles souverainetés africaines constituent un véritable coup dur pour la France, qui se complaisait dans une relation de dominant-dominé. Cependant, parler d’une inversion totale du rapport de force entre l’Afrique et la France semble exagéré. Plutôt qu’un renversement, il s’agit davantage d’une reconfiguration des rapports de puissance. Les pays africains cherchent aujourd’hui à s’affranchir d’une tutelle jugée trop pesante, tandis que la France peine à redéfinir son rôle sur le continent.
Toutefois, sur le plan géopolitique, une nouvelle tendance émerge dans les relations internationales. Certes, une troisième guerre mondiale n’est pas imminente, mais les relations politiques, diplomatiques et économiques entre les États sont plus que jamais tendues. Les conflits territoriaux, jadis monnaie courante à l’époque des empires en Afrique de l’Ouest et ailleurs, refont aujourd’hui surface. La crise à l’est de la RDC (République démocratique du Congo) avec les rebelles du M23, soupçonnés d’être soutenus par le Rwanda — bien que Kigali réfute ces allégations —, en est une illustration frappante. On a également vu cette dynamique au Mali avec les indépendantistes touaregs. Plus loin du Sahel, la guerre opposant la Russie et l’Ukraine depuis plusieurs années s’inscrit dans cette même logique expansionniste. Toutefois, comparer ces conflits à la situation entre l’Afrique et la France pourrait bien être hasardeux, pour des observateurs.
La France confrontée à une crise de gestion de ses ressources humaines
Certes, l’Afrique n’a jamais historiquement dominé la France, ce qui pourrait remettre en question l’idée d’un retour cyclique des rapports de force. Mais il y a une première fois à tout, dit-on, et chaque fait a un point de départ. Si la domination coloniale n’a jamais été inversée, l’apport des Africains à l’histoire française reste indéniable. Lors des deux guerres mondiales, l’Afrique a apporté un soutien déterminant à la France, en lui fournissant des troupes et des ressources essentielles.
Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), près de 200 000 combattants africains, principalement issus des régiments de tirailleurs sénégalais, ont été envoyés sur le front occidental, subissant de lourdes pertes dans des batailles décisives comme celles de Verdun et de la Somme. Lors de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), l’apport africain fut tout aussi crucial, permettant à la France de soutenir son effort de guerre et de remporter des victoires stratégiques. Ces faits historiques rappellent que l’Afrique n’a jamais été un simple spectateur de l’histoire française, mais un acteur clé dans certaines de ses heures les plus critiques.
Avec la fermeture progressive de ses bases militaires en Afrique, la France pourrait, dans un futur proche, être confrontée à une véritable crise dans la gestion de ses ressources humaines, notamment celles qui vivaient de la présence française sur le continent. Par ailleurs, son soutien affiché à l’Ukraine contre la Russie pourrait également lui coûter cher, à la fois sur le plan économique et diplomatique. La France devra jongler entre ses engagements internationaux et la nécessité de repenser ses liens avec l’Afrique, sous peine de voir son influence s’éroder encore davantage.
F. Togola
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