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[Tribune] Entrepreneuriat communautaire et agriculture verte : un retour réussi en Afrique pour les diasporas

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L’entrepreneuriat communautaire est une question qui marque l’actualité concernant les questions de développement durable en Afrique et dans le monde.

Pourquoi cet engouement ? Pour plusieurs raisons parmi lesquelles comptent les notions d’inclusivité, d’équité et d’impact positif sur la communauté et l’environnement qui définissent ce type d’entrepreneuriat.

En effet, l’entrepreneuriat communautaire est un modèle entrepreneurial qui se définit comme une alternative à la conception de l’économie libérale, alternative qui place l’homme et son milieu au cœur de ses préoccupations.

Notons toutefois les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs qui optent pour ce modèle économique se voulant vertueux et ces difficultés sont le plus souvent d’ordre économique. Cela est encore plus prégnant en Afrique où les ressources des pays sont limitées et où le rôle du secteur public dans le renforcement des activités liées à l’entrepreneuriat gagnerait à être renforcé. C’est dans ce contexte que le rôle des diasporas africaines, qui transfèrent des flux importants de fonds en Afrique, dans le développement du secteur privé, est de plus en plus visible, voir encouragé. Par ailleurs, ces diasporas qui sont fortement attachées à leur pays d’origine, sont de plus en plus tentées par l’expérience du retour.

Quel rôle peuvent jouer les diasporas africaines pour l’essor de ces modèles d’entrepreneuriat communautaire, en prenant appui sur l’entrepreneuriat agricole, en vue de renforcer leur impact positif pour les communautés dans les pays africains et quel intérêt pourrait représenter cet investissement pour ces diasporas, surtout pour être alignées avec leur projet de réinstallation à long terme sur le continent africain ?

 1. Entrepreneuriat communautaire et activité agricole en Afrique : conceptualisation

Entrepreneuriat communautaire en Afrique

L’entrepreneuriat en Afrique est traditionnellement marqué par son assise communautaire. Cela se manifeste par la prégnance des réseaux de solidarité, d’entraide et de réciprocité tant dans la mobilisation de capitaux que dans la constitution d’une clientèle et à l’embauche. Ces réseaux reposent sur la confiance. Cela est dû à l’importance de la communauté au sein des sociétés africaines. Dans cette communauté, l’individu n’existe que par son appartenance à un groupe et quand il est nanti d’un point de vue matériel, il est un vecteur de la solidarité en aidant les autres. Du point de vue de l’entreprise, la conséquence première de cet état de fait est la redistribution des fruits de la réussite de l’individu dans la communauté. Ainsi, si le but de l’entreprise dans sa conception occidentale d’aujourd’hui est de créer de la richesse tout ayant un impact positif sur sa communauté, on peut dire que l’entrepreneuriat dans les sociétés africaines traditionnelles, de par son assise communautaire, répondait déjà à cette logique.

Contexte des exploitations agricoles familiales en Afrique

L’agriculture est l’activité principale sur le continent africain. La population qui vit de l’agriculture en Afrique représente 48% de la population du continent et jusqu’à 70% en Afrique de l’Est (NEPAD, 2013). Ce modèle agricole est dominé par les petites exploitations familiales qui fonctionnent selon les normes et schémas de l’entrepreneuriat communautaire. 

En effet, l’Afrique compte 33 millions d’exploitations de moins de 2 hectares qui représentent 80 % de l’ensemble des exploitations (NEPAD, 2013) et ces petites exploitations sont gérées comme des entreprises intrafamiliales dont les revenus sont repartagés au sein de ces mêmes familles qui en sont propriétaires, tout en impactant de façon fort positive les communautés au sein de laquelle sont insérées ces familles. De même, ces exploitations sont fortement marquées par l’empreinte culturelle africaine et les traditions, reposant sur la solidarité et les savoirs agricoles ancestraux.

La solidarité et la gestion communautaire au sein de ces exploitations familiales se traduisent par le rôle fort du chef de famille dans la gestion de ces exploitations et la participation de tous les membres valides de la famille aux activités de celles-ci ; ainsi que par la redistribution des revenus de ces exploitations entre les membres de la famille de même qu’au sein de la communauté de façon plus large comme évoqué plus haut.

On peut affirmer que les exploitations agricoles familiales africaines répondent aux exigences du développement durable en termes de préservation de l’environnement (circuits-courts, gestion des ressources intégrant les notions de durabilité car adossée à des savoirs ancestraux respectueux de leur milieu), mais aussi d’inclusivité et de redistribution des richesses au sein de la communauté.

Toutefois, notons que ces exploitations agricoles familiales sont confrontées à des difficultés comme les faibles moyens de production dont elles disposent, la concurrence des activités agricoles de pays développés et la difficulté d’accès à des marchés régionaux et/ou internationaux, ainsi que la tentation des engrais chimiques et de certains pesticides qui compromettent la sécurité des aliments produits d’un point de vue sanitaire tout en exposant l’environnement à des risques et périls. 

Ainsi, la problématique principale pour développer ces exploitations familiales en renforçant leur impact positif sur la communauté et l’environnement demeure la question de la mobilisation de capitaux pour démarrer ces entreprises intrafamiliales, pérenniser et développer leur activité, tout en les insérant davantage dans des modèles vertueux de production.

Face à cette problématique, les diasporas africaines peuvent contribuer par leurs transferts de fonds à destination du continent, à l’essor de l’entrepreneuriat communautaire et du développement local, en investissant ces transferts dans des modèles d’entrepreneuriat agricole vert.

2. Pourquoi choisir l’agriculture verte pour investir dans l’entrepreneuriat communautaire en Afrique ?

En Afrique, les transferts de fonds en provenance de la diaspora africaine, qu’elle soit issue de l’immigration européenne ou africaine, représentent une part importante de l’économie locale. La diaspora africaine transfère en moyenne 60 milliards de dollars vers le continent tous les ans (Financial Afrik).

Ces transferts sont souvent investis pour la subsistance des familles, la création d’écoles, de dispensaires, de forages, ou pour la construction de biens immobiliers à usage personnel ou locatif. En orientant ces capitaux vers la création d’entreprises, avec une base communautaire, cela pourrait contribuer de façon plus marquée au dynamisme de l’économie locale, tout en répondant à une logique de solidarité et en prenant pour appui des réseaux d’entraide déjà existants. En effet, les diasporas africaines ont à cœur tant les questions de réduction de la pauvreté au sein de leur famille et plus largement de la communauté, que celles du développement local.

Mo Ibrahim, initiateur de la Fondation qui porte le même nom et lui-même entrepreneur, n’a-t-il pas mis en évidence l’importance des investissements locaux dans le développement, qui devrait avoir une base communautaire en Afrique ? En effet, en 2009, il déclarait ceci : « L’Afrique n’a pas d’industrie du capital-risque ; le genre qui a soutenu Google et Microsoft. Ainsi, le mécanisme de garantie est utile, mais ce dont nous avons réellement besoin, ce sont les fonds locaux impliqués. » Cet investissement local a pour but de sortir de la dépendance des institutions internationales.

De plus, les transferts de fonds à destination de l’Afrique et en provenance des diasporas peuvent être une source importante de création de richesse pour ces diasporas afin de garantir leur retour éventuel dans leur pays d’origine dans les conditions optimales.

En outre, pour que l’entrepreneuriat contribue davantage au développement local, il a besoin d’intégrer des thématiques comme les questions de durabilité, d’inclusivité, de réduction de la pauvreté, de gestion participative et de réinvestissement communautaire, qui sont les bases de l’entrepreneuriat communautaire. 

Concernant la thématique de la durabilité, il serait intéressant de souligner l’intérêt de modèles d’entrepreneuriat verts et solidaires, surtout ceux en lien avec l’agriculture verte, l’agriculture représentant l’activité principale des populations africaines. L’idée ici est de développer l’entrepreneuriat communautaire dans le domaine agricole et de le rendre vert, c’est-à-dire respectant les contraintes écologiques en prenant pour base l’agroécologie, combinée aux savoirs ancestraux locaux, dans un contexte d’exploitation agricole intra-familiale.

L’agroécologie est l’ensemble des techniques qui visent à diminuer les pressions sur l’environnement dans le cadre des activités agricoles, à travers la réduction de l’émission des Gaz à Effet de Serre, le recours limité aux pesticides de synthèse et engrais chimiques et la préservation de la biodiversité. Il est important de savoir qu’il est possible de produire mieux tout en respectant la nature et la santé de chaque être vivant. Cela pourrait limiter ainsi l’implication de l’homme dans le changement climatique, un véritable défi pour l’humanité. En effet, l’agroécologie, dans la perspective de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable, est une réponse à l’option d’adaptation préconisée pour lutter contre le changement climatique, en plus de celle dite d’atténuation. 

Avec les émissions mondiales actuelles de dioxyde de carbone, les scientifiques du GIEC annoncent que la hausse de la température mondiale atteindra 3-4 degrés d’ici 2100 (Coste et al, 2021).

Face à ce danger, plusieurs solutions sont étudiées en termes d’adaptation et d’atténuation, dans une perspective de développement durable. Parmi celles-ci, l’agroécologie occupe une place de premier plan, l’agriculture contribuant de façon importante à l’émission des gaz à effet de serre dans le monde (Recherche agronomique suisse, 2014). Cette agriculture respectueuse de l’environnement rend les cultures résilientes (en plus de protéger l’environnement). Lors de phénomènes extrêmes (vague de chaleur, gel, sécheresse, inondation), l’agroécologie résiste mieux ; à ce propos, le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Droit à l’alimentation, Olivier De Schutter affirmait déjà en 2010 que « L’agroécologie accroit la productivité au niveau local, réduit la pauvreté en milieu rural et facilite l’adaptation au changement climatique ».

 3.  Investir dans l’entrepreneuriat communautaire et l’agriculture verte pour un retour réussi en Afrique : quelques pistes pour les diasporas africaines

Quelles pistes pour un investissement réussi des diasporas africaines dans l’entrepreneuriat agricole vert en Afrique ?

Moderniser l’activité des exploitations agricoles familiales en combinant les savoirs ancestraux et les savoirs modernes issus de l’agroécologie pour augmenter la productivité et le rendement de ces exploitations

Produire mieux (meilleure gestion des ressources naturelles, faible impact sur la planète et production d’aliments sains, toujours en se basant sur l’agroécologie et l’Adaptation pour l’Agriculture Africaine)

Permettre une meilleure redistribution des revenus au sein de la communauté

Accéder à des marchés régionaux et internationaux

Développer des partenariats avec le secteur public à l’échelle locale et nationale

Développer des partenariats avec le secteur privé à l’échelle internationale

Développer des partenariats avec des institutions de recherche

Gestion plus moderne alignée avec les exigences du fonctionnement de l’entreprise des exploitations agricoles familiales.

Les facteurs culturels africains, loin d’être des éléments de blocage, sont des facteurs qui pourraient permettre l’émergence d’un modèle entrepreneurial vertueux en Afrique, sur une base communautaire. En effet, l’entrepreneuriat communautaire est basé sur la solidarité, l’équité et l’impact positif sur son environnement. Les diasporas africaines ont un rôle fort à jouer pour l’essor de cet entrepreneuriat communautaire, grâce à la mobilisation de capitaux dont elles sont capables et ces capitaux pourraient être investis dans le secteur privé africain dans une logique de développement durable, au lieu d’être investis uniquement dans l’économie de subsistance ou des projets à but non lucratif.

Cet investissement pourrait permettre en retour aux diasporas africaines de créer de la richesse pour leurs communautés et elles-mêmes dans le cadre d’un retour éventuel dans leur pays d’origine.

AÏCHA YATABARY


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