Bocar Harouna Diallo, premier géographe, PhD en Développement régional et territorial à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), analyse comment le projet de l’autoroute de l’eau pourrait transformer l’agriculture et l’économie sénégalaise en misant sur un usage optimisé des ressources hydriques. Analyse.
L’expression « autoroute de l’eau » ou water highway désigne un réseau complexe de voies hydrauliques pensé pour optimiser l’utilisation des ressources en eau. Au Sénégal, pays semi-aride aux ressources hydriques limitées et réparties de manière inégale, cette idée prend tout son sens. Le secteur agricole, qui emploie 78 % de la population active et contribue à environ 15 % du PIB, est au cœur de l’économie sénégalaise.
Des ressources hydriques sous-utilisées
Le potentiel du Sénégal pour atteindre la souveraineté alimentaire est immense, une nécessité impérieuse face aux défis sociaux et économiques. L’agriculture sénégalaise s’étend sur 4 millions d’hectares, représentant 19 % du territoire national. Cette surface est répartie inégalement selon les zones géographiques, bénéficiant néanmoins de conditions agroécologiques propices à trois saisons de culture et d’une position stratégique pour l’exportation, notamment vers l’Afrique. Les terres sénégalaises se prêtent bien aux cultures céréalières et horticoles, grâce à divers types de sols adaptés et un potentiel hydrique encore largement inexploité.
Avec 35 milliards de m³ d’eau de surface renouvelable et 4 milliards de m³ d’eau souterraine, le pays n’a utilisé que 5 % de son potentiel hydrique, selon les experts. Ces avantages constituent des fondations solides pour transformer le Sénégal en grenier de l’Afrique de l’Ouest, à condition que les politiques agricoles soient adaptées aux besoins et aux réalités des populations locales. La Déclaration de Maputo, qui encourage les pays signataires à consacrer 10 % de leur budget au secteur agricole, est un objectif vers lequel le Sénégal progresse, bien que des efforts supplémentaires soient nécessaires.
L’impulsion du Président Diomaye Faye
L’arrivée du Président Bassirou Diomaye Faye, le 2 avril 2024, a insufflé un nouvel élan aux politiques agricoles, avec pour ambition de combler les déficits alimentaires et d’assurer la sécurité alimentaire. Cet élan vise à promouvoir une économie locale centrée sur une production agricole massive, tirant parti des vastes ressources foncières et hydriques ainsi que de la jeunesse de la population. Le projet de l’autoroute de l’eau est perçu comme un levier essentiel pour revitaliser le monde rural, souvent frappé par l’exode rural et la dévitalisation.
Ce projet a des répercussions multiples sur les plans économique, social et environnemental. Il vise à stimuler l’économie locale, encourager l’innovation et assurer la durabilité. L’autoroute de l’eau s’inscrit également dans la continuité de la Grande Muraille Verte, soutenant l’agroécologie tout en générant des emplois. Une gestion avisée des voies hydrauliques contribuerait à préserver les écosystèmes et à sécuriser les ressources en eau pour les générations futures.
Bocar Harouna Diallo
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