Home InvestigationsOpinion [Tribune] Au Mali, faut-il encore un Etat de droit dans la transition ?

[Tribune] Au Mali, faut-il encore un Etat de droit dans la transition ?

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Salif Sacko est enseignant-chercheur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Pour lui, le pouvoir judiciaire malien doit s’assumer face aux innombrables violations des règles juridiques préétablies pour préserver l’Etat de droit au Mali.

L’Etat de droit est conçu comme un Etat dans lequel les gouvernés, et surtout les gouvernants, sont soumis à des règles juridiques préétablies. Et les gouvernants ne peuvent pas le modifier de manière arbitraire. Mais force est de constater que cet Etat de droit est devenu un vœu pieux au Mali — depuis les événements du 18 août 2020 qui ont poussé l’ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta, à la démission forcée. Un coup d’État.

Justice du pouvoir 

À la chute du Président IBK, au moment où tous les Maliens attendaient vivre une nouvelle ère où le droit devrait être au centre de tout, de façon à aspirer véritablement à un Etat de droit, la junte militaire, à sa tête le Colonel Assimi Goïta, n’avait trouvé mieux que de marcher sur les sentiers battus. Le lion remplace le léopard, dit la métaphore.

Alors que la justice et le pouvoir judiciaire sont considérés comme gardiens des droits et libertés, ils seront encore une fois, comme dans le régime d’IBK, soumis au pouvoir exécutif. Un de ces signes, s’il en faut un, c’est que la Charte de la Transition qui a été élaborée par les putschistes à la suite du coup d’Etat du 18 août 2020, constitue une violation de la Constitution du Mali du 25 février 1992 qu’elle est censée compléter.

Juridiquement la charte de la transition devrait être conforme à la Constitution parce que celle-ci est l’apanage direct du peuple malien. Ce qui la rend supérieure à la charte de la transition. Et dans cette Constitution, nulle part, le poste de vice-président n’est mentionné encore moins la prestation de serment du vice-président ayant été reçue par la Cour Suprême. La création de ce nouveau poste dans la charte de la transition, sans jugement de la part de la Cour constitutionnelle, pousse à émettre des réserves quant à l’indépendance de la justice : c’est la justice du pouvoir. Or celle-ci est toujours la négation du pouvoir de la justice.

 Pouvoir judiciaire indépendant de l’exécutif

Ces réserves quant à l’indépendance de la justice restent encore d’actualité avec le nouveau coup d’Etat perpétré le 24 mai dernier. La Cour constitutionnelle a confirmé le vice-président de la transition, le Colonel Assimi Goïta, par un arrêt rendu le 28 mai 2021, d’assumer les prérogatives, attributs et fonctions de président de la transition, Chef de l’Etat en raison de la vacance du président de la transition Bah N’Daw. Pourtant, elle est restée muette par rapport à la vacance du vice-président qui est devenu officiellement Président de la transition à la suite de sa prestation de serment, lundi 7 juin 2021, devant la Cour suprême. En ce moment, la question qui mérite d’être posée est celle de savoir si ce poste de vice-président restera dorénavant inopérant où s’il faudrait y nommer quelqu’un d’autre pour éviter un vide juridique.

En tout cas, il est préférable, dans un Etat de droit que le pouvoir judiciaire soit indépendant du pouvoir exécutif. Ainsi, le pouvoir judiciaire malien doit s’assumer face à ces innombrables violations des règles juridiques préétablies pour préserver l’Etat de droit au Mali car le pouvoir encore mieux les abus du pouvoir ne peuvent être empêchés que si le pouvoir arrête le pouvoir.

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Les idées exprimées dans cette tribune ne sont pas forcément celles de Sahel Tribune.


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