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Sanké Mô : Le rite qui murmure encore au cœur du Mali

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À San, au cœur du Mali profond, le Sanké Mô a célébré en 2025 sa 625ᵉ édition. Dans une mare sacrée fragilisée par le climat, mais sanctuarisée par la ferveur, des milliers de fidèles, pêcheurs, danseurs et dignitaires ont renoué avec un rite millénaire. Entre spiritualité, cohésion sociale et affirmation culturelle, la cérémonie, portée cette année par la dynamique de l’Année de la culture décrétée par le président de la Transition, a vibré comme un manifeste d’identité et de résilience.


Dans une mare asséchée mais jamais vidée de son âme, San a de nouveau honoré le pacte ancestral. Le 13 juin 2025, sous le regard attentif des esprits, des notables et des tambours, le Sanké Mô a tenu sa 625ᵉ édition. Une célébration à la fois rituelle, culturelle et politique, au cœur d’un Mali en quête de renaissance. Cette année, plus encore, le rite millénaire a résonné comme un acte de foi collective dans l’avenir d’un pays qui veut bâtir sur ses racines.

Dans une mare qui s’assèche mais dont l’âme déborde encore, le Mali rejoue chaque année un vieux pacte entre les vivants, les morts, les ancêtres et les esprits de l’eau. Le Sanké Mô, rite séculaire des terres de San, n’est pas qu’une pêche sacrée. C’est une leçon d’histoire sans parchemin, un poème anthropologique, une mémoire vivante que le temps, les sécheresses et les bulldozers n’ont pas encore réduite au silence.

Une tradition millénaire menacée par le feu du ciel

Le Sanké Mô n’est pas un simple folklore. Il est inscrit depuis 2009 au patrimoine mondial de l’UNESCO, non pour sa beauté pittoresque, mais parce qu’il est menacé. Le danger ne vient pas seulement de la mondialisation, mais du ciel : températures insoutenables, pluies trop rares, et argile pillée pour construire des maisons sans mémoire.

En 2024, le thermomètre a frôlé les 49 degrés. La mare, jadis vivante, se craquelle. Et pourtant, les tambours résonnent encore. Les filets glissent, les sacrifices se renouvellent, et les danseurs Bwa — peuples oubliés des manuels scolaires — tracent encore leurs cercles autour de la tradition.

Une liturgie communautaire entre sacré et politique

Le Sanké Mô, c’est d’abord un rituel. Celui d’un peuple qui interroge l’eau avant de l’approcher. Celui d’une ville, San, qui ne célèbre pas un passé figé mais une filiation avec l’invisible. On y sacrifie des coqs, on y interroge les ancêtres, on y pêche à plusieurs centaines. On y danse, masqués, pour faire vivre les morts, et on y débat aussi, désormais, de l’AES, de la cohésion et du devenir d’un Sahel qui cherche son nouveau souffle.

Depuis quelques années, sous l’impulsion des autorités de la Transition, le Sanké Mô est aussi devenu un levier d’affirmation nationale. Ce n’est pas un hasard si le gouvernement y assiste régulièrement. Il y voit, comme Assimi Goïta, une boussole dans le brouillard des recompositions géopolitiques : le développement durable commence par l’enracinement culturel.

De la mare aux marchés : quand l’identité devient économie

Autour du rituel, un festival. Autour du festival, des stands. Et autour des stands, une économie locale vivante : artisanat, gastronomie, tourisme, artisanat encore. Pour la région de San, le Sanké Mô est bien plus qu’un héritage culturel : c’est une plateforme de revenus, de visibilité, de rayonnement.

Mais cela ne tiendra que si la mare tient. Or, elle meurt. Lentement, mais sûrement. L’argile arrachée, l’eau qui ne s’infiltre plus, les poissons qui désertent. On promet des travaux, on propose de creuser, mais rien n’est encore fait. L’UNESCO l’a dit. Les anciens l’ont redit. Les enfants l’ont vu.

Un legs menacé, un avenir à sauver

Le Mali traverse une Transition politique. Il ne doit pas laisser mourir une Transition culturelle. Si le Sanké Mô s’éteint, c’est un fil qui se rompt, entre ceux qui sont là et ceux qui ne sont plus. C’est un trait d’union identitaire qui disparaît, au moment même où le pays revendique une souveraineté à la fois minière, militaire et culturelle.

Le Sanké Mô est un marqueur. Il dit qui nous sommes, d’où nous venons, ce que nous avons résisté à perdre. Il ne demande pas la compassion des bailleurs. Il exige la responsabilité des nôtres. Et des actes. Pas seulement des discours.

On peut vivre sans or, sans lithium, sans pétrole. Mais un peuple sans mémoire ? Il s’évapore. Comme la mare de Sanké. Le Mali, qui aspire à la refondation, doit s’assurer que le Sanké Mô, lui, ne devienne pas un simple souvenir archivé à l’UNESCO.

A.D


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