Home A la Une Repenser l’identité urbaine de Bamako : un hommage à l’histoire et une vision pour l’avenir

Repenser l’identité urbaine de Bamako : un hommage à l’histoire et une vision pour l’avenir

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La redénomination des voies, places et établissements publics de Bamako illustre un véritable projet de réappropriation historique et culturelle. Entre hommage aux figures emblématiques nationales et engagement envers une diplomatie sahélienne renouvelée, ces changements marquent une volonté affirmée de décoloniser l’espace public et d’inspirer une nouvelle génération à travers des symboles de souveraineté et de mémoire collective.

En substituant des noms coloniaux à ceux de figures historiques et culturelles locales, le gouvernement de transition réaffirme une volonté de décolonisation de l’espace public. La Rue Faidherbe, par exemple, devient la Rue Mamadou Lamine Dramé, honorant ainsi un héros de la résistance africaine face à l’oppression coloniale. Ce geste n’est pas simplement un changement de toponymie, mais une manière de réécrire l’histoire et de replacer les figures nationales au cœur de la mémoire collective.

Des symboles de souveraineté et de renouveau

L’Avenue de l’AES, ancienne Avenue CEDEAO, reflète le repositionnement stratégique du Mali sur l’échiquier régional. En adoptant cette nouvelle appellation, Bamako consacre l’Alliance des États du Sahel (AES), formée avec le Burkina Faso et le Niger, comme un pilier de sa diplomatie. Cette rupture assumée avec la CEDEAO, perçue comme distante des aspirations sahéliennes, marque un retour aux solidarités transnationales basées sur des valeurs de souveraineté et de coopération. Cette avenue, reliant le centre-ville à l’Aéroport international Président Modibo Keïta, devient ainsi le symbole d’une nouvelle ère pour la région.

De même, la Place de la Confédération des États du Sahel, anciennement Place du Sommet Afrique-France, incarne un changement de paradigme. Située sur la Route de l’Aéroport, cette place est désormais dédiée à une vision partagée entre trois nations sahéliennes unies par des défis communs et des ambitions convergentes. Ce choix dépasse le simple geste administratif pour s’inscrire dans un effort de réappropriation des espaces publics, en phase avec une Afrique qui souhaite écrire son propre récit, affranchie des symboles hérités de la domination coloniale.

Hommage aux figures emblématiques de l’histoire nationale et africaine

D’autres dénominations viennent également célébrer les figures marquantes de l’histoire nationale et africaine. L’Avenue Modibo Keita, reliant la Place de la Liberté au Pont des Martyrs, honore le premier président du Mali indépendant. L’Avenue Mahamane Alassane Haidara, anciennement Avenue Marius Moutet, traverse le Lycée Ba Aminata Diallo jusqu’au Boulevard du Peuple pour rendre hommage au premier président de l’Assemblée nationale.

Les légendaires figures historiques africaines sont également célébrées : le Boulevard Soundjata Keita relie le Rond-point de Koulouba à l’entrée du Camp Soundjata à Kati, tandis que le Boulevard Samory Touré parcourt le Pont de Woyowayanko jusqu’au rond-point giratoire de Siby. L’Avenue Kankou Moussa, depuis l’échangeur Chemin des Grottes jusqu’au croisement du Boulevard du Peuple, magnifie le règne et la richesse de l’empereur du Mali.

Des héros contemporains et des symboles de résistance se retrouvent également gravés dans l’histoire urbaine : la Rue Bazoumana Sissoko, anciennement Rue Jean Brière de Lisle, rend hommage au virtuose malien, et la Rue Firhoun Ag Alinsar, immortalisant la mémoire d’un résistant touareg, s’ajoute à cette liste. Enfin, la Place de la Confédération des États du Sahel, sur la Route de l’Aéroport, marque une transition vers un récit collectif sahélien.

Un regard vers l’avenir

Au-delà du devoir de mémoire, ces changements sont un appel à l’unité et à l’espérance. Renommer des lieux stratégiques, tels que l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako, désormais Université Yambo Ouologuem, ou encore l’Institut national des Arts, rebaptisé Institut Professeur Gaoussou Diawara, invite les générations actuelles et futures à s’approprier un héritage réhabilité. Ces nouveaux noms célèbrent des intellectuels et artistes ayant contribué à la grandeur du Mali, renforçant l’idée que l’éducation et la culture sont des piliers essentiels pour le développement du pays.

Cependant, cette relecture de l’espace public ne sera complète qu’à la condition d’une appropriation collective par les citoyens. L’histoire revisitée à travers ces changements doit être diffusée et enseignée, pour éviter que ces nouvelles dénominations ne soient perçues comme de simples étiquettes administratives. Il est impératif de sensibiliser les populations sur la signification des noms choisis, afin qu’elles puissent pleinement en saisir le sens et en être fières.

Ce processus de réécriture de l’espace public représente plus qu’un simple acte administratif : il incarne un puissant levier de transformation sociale et politique. La redénomination des rues et places de Bamako invite la population à se réapproprier son histoire, ses héros et son avenir, en plaçant la culture, l’éducation et la souveraineté au cœur de la construction d’une nation résolument tournée vers son propre destin. Ce faisant, Bamako devient un véritable symbole de l’Afrique nouvelle, affranchie de son passé colonial, prête à écrire un avenir commun fondé sur l’unité et la solidarité.

Ibrahim K. Djitteye 


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