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Nous sommes programmés pour la paresse

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Boris Cheval, Université de Genève; Matthieu P. Boisgontier, University of British Columbia et Philippe Sarrazin, Université Grenoble Alpes

Si vous devez vous faire violence pour sortir de votre canapé et vous adonner à une activité physique, rassurez-vous, vous n’êtes pas seul dans ce cas ! Depuis des décennies, des campagnes de communication nous encouragent à faire de l’exercice. Pourtant, environ 30 % des adultes ont une activité physique insuffisante. Et cette inaction est en constante augmentation, partout sur la planète.

La France ne fait pas exception à la règle. Si « faire davantage d’activité physique » se classe dans le top 5 des bonnes résolutions du jour de l’An, 3 Français sur 4 ne sont pas suffisamment actifs. Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la santé, 3,2 millions de décès sont attribuables à ce manque d’activité physique chaque année, soit un mort toutes les 10 secondes.

Un constat qui soulève une question : pourquoi sommes-nous incapables d’être physiquement actifs alors que nous en avons l’intention ?

Le conflit entre raison et émotions

Afin de rendre compte de cette lutte qui s’opère entre nos intentions saines et des pulsions contraires, des théories scientifiques, comme les modèles à double processus, ont été développées. Dans ces modèles, les mécanismes qui expliquent notre comportement sont divisés en deux catégories : les mécanismes rationnels, gérés par le système réfléchi, et les mécanismes émotionnels, gérés par le système impulsif. Ce dernier organise la partie automatique et instinctive de nos comportements. Il peut faciliter ou, au contraire, empêcher le système réfléchi de mettre en place nos intentions.

Ce deuxième cas de figure a été clairement illustré par une étude que nous avons réalisée. Son but était de comprendre les conditions d’efficacité des messages promouvant l’activité physique. Autrement dit, nous cherchions à savoir si la réflexion peut l’emporter sur nos pulsions lorsqu’il s’agit de se motiver à être plus actif physiquement.


Les participants ont tout d’abord assisté à une présentation exposant les recommandations en matière d’activité physique bénéfique pour la santé (30 minutes d’exercices quotidiens répartis en séquences de 10 minutes minimum, la plupart des jours de la semaine). Afin de mesurer leur tendance impulsive à approcher les comportements sédentaires, ils ont ensuite réalisé une tâche expérimentale : le jeu du mannequin.

Celui-ci consiste à déplacer un avatar sur un écran d’ordinateur en utilisant les touches du clavier. Dans l’une des conditions de l’expérience, le participant doit approcher l’avatar le plus rapidement possible d’images représentant une activité physique (marche, vélo, natation…) et l’éloigner d’images représentant une activité sédentaire (télévision, hamac, escalier mécanique…). Dans l’autre condition, c’est l’inverse, l’avatar doit être approché des images évoquant la sédentarité et éloigné des images d’exercice. Plus le participant est rapide à s’approcher des images sédentaires plutôt qu’à s’en éloigner, plus on considère que sa tendance impulsive envers la sédentarité est forte.

Devant les messages de prévention, nous ne sommes pas tous égaux

Après cette tâche, les participants ont été munis d’un accéléromètre destiné à enregistrer leur activité physique quotidienne, puis sont rentrés chez eux. Une semaine plus tard, le débriefing a eu lieu.

Les résultats de cette expérience révèlent que des messages de santé bien formulés peuvent s’avérer efficaces pour susciter une intention. En effet, les participants qui avaient reçu le message promouvant l’activité physique ont formulé une plus forte intention de pratiquer l’exercice que ceux qui avaient reçu le message promouvant une alimentation saine. Mais avoir l’intention de faire de l’exercice physique ne signifie pas qu’on va réellement s’y mettre, et tous les participants n’ont pas réussi à convertir leur intention en comportements.

Il est souvent plus simple de céder à l’impulsion de sédentarité… Shutterstock

Seuls ceux qui présentaient une faible tendance impulsive à approcher les comportements sédentaires ont réussi à le faire. À l’inverse, les participants chez qui cette tendance était forte n’ont pas été capables de transformer leur intention en actes. En d’autres termes, l’intention consciente d’être actif perdait le combat contre une tendance automatique à rechercher les comportements sédentaires.

Pourquoi ces comportements sédentaires sont-ils si attractifs alors qu’ils sont nocifs pour notre santé ?

La loi du moindre effort : un legs encombrant de l’évolution

Si cette attraction vers la sédentarité paraît paradoxale aujourd’hui, elle est logique lorsqu’on l’examine à la lumière de l’évolution. En effet, quand l’accès à la nourriture devenait difficile, les comportements sédentaires permettaient de sauvegarder l’énergie qui s’avérait décisive pour la survie.

Cette tendance à minimiser les efforts inutiles pourrait expliquer la pandémie d’inactivité physique actuelle puisque les gènes qui permettent aux individus de survivre sont plus susceptibles d’être présents dans les générations suivantes.

Dans une étude récente, nous avons cherché à évaluer si notre attraction automatique vers les comportements sédentaires était inscrite dans notre cerveau. Les participants à cette étude devaient également se livrer au jeu du mannequin, mais cette fois des électrodes enregistraient l’activité de leur cerveau.

Les résultats de cette expérimentation montrent que pour s’éloigner des images de sédentarité, notre cerveau doit déployer des ressources plus importantes que pour s’éloigner des images d’activité physique. Dans la vie quotidienne, s’éloigner des opportunités de sédentarité omniprésentes dans notre environnement moderne (escalators, ascenseurs, voitures…) nécessiterait donc bien de vaincre une attraction sédentaire qui serait ancrée dans notre cerveau.

La sédentarité est bien ancrée dans notre cerveau. Shutterstock

Efficients, pas paresseux

Il ne faut néanmoins pas croire que nous avons uniquement évolué pour minimiser les efforts inutiles ; nous avons aussi évolué pour être physiquement actifs. Voici environ 2 millions d’années, lorsque nos ancêtres se sont convertis à un mode de vie de chasseurs-cueilleurs, l’activité physique est devenue partie intégrante de leur vie quotidienne : ils parcouraient alors 14 km par jour en moyenne.

La sélection naturelle a donc favorisé les individus capables d’accumuler une grande quantité d’activité physique tout en s’économisant. Ces individus étaient ceux chez qui l’activité physique était associée à la sécrétion d’hormones antidouleurs, anxiolytiques, ou encore euphorisantes.

La bonne nouvelle, c’est que ces processus hormonaux sont toujours présents chez nous et qu’ils n’attendent qu’une chose : être sollicités. Le premier pas vers un mode de vie actif est de prendre conscience de cette force qui nous pousse vers la minimisation des efforts. Cette prise de conscience permet de mieux résister aux innombrables opportunités de sédentarité qui nous entourent.

Il faut éviter de céder à la facilité. Mark Martins/Pixabay

Par ailleurs étant donné que, comme nos ancêtres, la grande majorité d’entre nous ne pratique une activité physique que lorsque c’est amusant ou nécessaire, la meilleure façon de promouvoir cette dernière est de la rendre agréable. Il faut donc (re)structurer nos environnements pour la favoriser, notamment lors de nos déplacements quotidiens.

Les politiques publiques devraient par exemple développer des infrastructures et des espaces publics ouverts, sécurisés et bien entretenus afin de favoriser l’accès à des endroits propices à la marche, au vélo et à toute autre activité physique. L’architecture des nouveaux bâtiments devrait aussi favoriser notre activité physique tout au long de la journée, en privilégiant l’accessibilité aux escaliers, les postes de travail debout, etc.

À nous, ensuite, de savoir profiter de ces opportunités pour réduire notre sédentarité… Allez, à vos baskets !

Boris Cheval, PhD. Neuropsychologie de l’activité physique, Université de Genève; Matthieu P. Boisgontier, , University of British Columbia et Philippe Sarrazin, Professeur des Universités, Université Grenoble Alpes

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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