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Moscou – Goïta sur tapis rouge : la diplomatie malienne prend l’air de l’Est

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À bord d’un vol spécial russe affrété par le Kremlin, le Président de la Transition, le général d’armée Assimi Goïta, entame une visite officielle en Russie sous haute tension géopolitique. De la coopération sécuritaire au partenariat économique, ce déplacement symbolique s’inscrit dans la nouvelle architecture diplomatique malienne, à la croisée des intérêts eurasiens et sahéliens.

À 21h02 précises, un appareil spécialement affrété par la Russie s’est élevé dans le ciel de Bamako, emportant à son bord une délégation malienne de haut niveau conduite par le Général d’Armée Assimi Goïta, Président de la Transition. Direction : Moscou. Destination : un agenda diplomatique ciselé au cordeau. Et message : clair comme une gerbe de fleurs déposée sous un ciel de marbre – le Mali ne voyage plus à contre-courant, il redéfinit sa route.

Un avion qui vaut autant pour sa technicité que pour sa charge diplomatique

Sur le tarmac de Modibo Keïta–Sénou, c’est tout un appareil d’État qui s’est mobilisé pour escorter le départ du Chef de l’État. Premier ministre en tête, présidents d’institutions, membres du gouvernement, figures militaires en uniforme protocolaire : le cérémonial, savamment orchestré, s’inscrit dans une tradition républicaine renouvelée par un agenda géopolitique assumé. À l’heure où d’autres capitales tergiversent, Bamako, elle, trace son axe.

Arrivé à Moscou au petit matin du 22 juin, Goïta a été accueilli avec tous les honneurs qu’exige son rang. Drapeaux croisés, fanfare discrète, présence d’une vingtaine d’ambassadeurs africains : les symboles parlent, et ici, chaque geste compte. Dans les couloirs du Kremlin, on ne fait pas mystère de l’importance stratégique que Moscou accorde au Mali. Depuis le sommet Russie-Afrique de 2023 à Saint-Pétersbourg, les lignes se sont resserrées. Et l’appareil qui a transporté le Président malien jusqu’à la capitale russe vaut autant pour sa technicité que pour sa charge diplomatique : rare privilège consenti à peu d’interlocuteurs africains.

Mais la solennité ne suffit pas : encore faut-il que les dossiers suivent. Et ils suivent. La délégation malienne, composée de ministres clés, d’experts sectoriels et de membres du Conseil National de Transition, reflète l’ampleur des enjeux. Sécurité, énergie, infrastructures, coopération militaro-technique, transformation économique – tout est sur la table. Et dans les carnets de notes, un fil conducteur : structurer, formaliser, stabiliser.

Une visite qui prend une épaisseur politique

Les objectifs de la visite sont clairs. Un entretien en tête-à-tête entre Goïta et Vladimir Poutine figure au centre du programme, suivi de réunions élargies et de signatures d’accords. La présence russe au Mali porte le nouveau visage d’une coopération sécuritaire. En clair, la Russie ne se contente plus de soutenir : elle s’inscrit dans la durée.

Et ce n’est pas tout. Sur le terrain économique, la Russie accompagne le Mali dans des projets structurants, à commencer par la raffinerie industrielle d’or à Bamako, pilotée avec la société Yadran, dont l’État malien détient la majorité du capital. Une raffinerie d’or, donc, mais aussi une promesse de valeur ajoutée locale, dans un pays longtemps enfermé dans l’export brut. L’or, pour Moscou comme pour Bamako, n’est plus seulement un métal : c’est un levier de souveraineté.

Le contexte, lui, n’a rien d’anodin. Sur le terrain, les attaques terroristes persistent, notamment dans le centre et le nord du pays. Les forces maliennes, engagées dans une lutte asymétrique de longue haleine, bénéficient du soutien matériel et stratégique de leurs partenaires. Mais le défi reste immense. Et c’est sans doute pour cela que cette visite prend une telle épaisseur politique : elle s’inscrit dans une tentative d’architecture régionale nouvelle, portée par l’Alliance des États du Sahel (AES), dont Goïta assure la présidence.

La reconnaissance mutuelle du prix du sacrifice

De la Confédération AES à la diplomatie moscovite, le pas est vite franchi. La présence remarquée d’ambassadeurs africains à l’accueil présidentiel à Moscou illustre une dynamique plus large : celle d’une Afrique qui, loin de se laisser dicter ses alliances, commence à les choisir avec méthode – et sans complexe.

Certains y verront un alignement. D’autres, un rééquilibrage. Mais dans le langage des États, ce que l’on appelle aujourd’hui « nouveau partenariat stratégique » a toujours existé sous d’autres noms. La différence, peut-être, réside dans le fait que désormais, c’est le Mali lui-même qui rédige les clauses.

Jusqu’au 25 juin, Bamako et Moscou dérouleront donc un programme dense : entretiens, signatures d’accords, projets bilatéraux, mémoire commune. Et si le dépôt de gerbe au monument du Soldat inconnu, prévu avant les travaux diplomatiques, symbolise quelque chose, c’est bien la reconnaissance mutuelle du prix du sacrifice. Celui des nations qui veulent se tenir debout, même seules. Ou surtout seules.

Chiencoro Diarra 


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