À quoi sert un géant s’il ne marche plus ? L’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM), censé être le pilier de la politique de sécurité alimentaire nationale, se révèle, selon un rapport du Vérificateur général, comme une structure en panne de stratégie, minée par l’improvisation et la dépendance budgétaire. Dans un pays où plus d’un million de personnes sont menacées de famine, cette contre-performance pose question.
Si l’on devait résumer l’état de santé de l’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM) en une image, ce serait celle d’un dinosaure essoufflé, aux membres atrophiés par des décennies d’inertie bureaucratique, avançant à reculons vers une mission qu’il ne maîtrise plus. Le dernier rapport du Bureau du Vérificateur Général sur la société, couvrant la période 2020-2024, est implacable : entre déficience chronique de gouvernance, carence dans la gestion des stocks de céréales, et une activité commerciale quasi inexistante, l’OPAM ressemble plus à un lest qu’à un levier dans le dispositif national de sécurité alimentaire.
Une dépendance structurellement problématique
Créée pour veiller à ce que nul ne meure de faim dans les villages oubliés du Gourma ou les faubourgs de Kati, l’institution s’est figée dans une logique de survie institutionnelle. Pourtant, elle a englouti plus de 115 milliards de FCFA en quatre ans – soit 24 milliards de plus que les fonds réellement alloués – sans réussir à garantir un système de stockage efficace ni à rendre ses activités rentables. Loin de générer des recettes propres, l’Office vit sous perfusion étatique, dans une dépendance qui n’est plus simplement inconfortable, mais structurellement problématique.
Il faut lire entre les lignes du rapport pour percevoir l’ironie tragique : un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) dont les activités commerciales sont à peine embryonnaires, pendant qu’il consacre l’essentiel de ses ressources à des missions de service public – reconstitution du Stock National de Sécurité (SNS) et du Stock d’Intervention de l’État (SIE) – menées avec une efficacité discutable. Le constat est sans appel : non seulement l’OPAM n’a pas respecté les engagements de son contrat-plan, mais ses propres entrepôts, mal réhabilités ou laissés à l’abandon, compromettent la qualité des céréales stockées.
Le pays cherche ses repères alimentaires
Les recommandations fusent, en rafales, comme les ultimes coups d’épée dans une structure qui tangue : doter l’OPAM d’un logiciel de gestion intégrée, actualiser les fiches de poste, certifier les comptes, tenir des réunions de conseil… Autant de mesures qui relèvent davantage de la médecine d’urgence que d’un plan de transformation stratégique.
Faut-il dès lors maintenir ce mastodonte en vie ? La question, pourtant taboue, affleure en filigrane du rapport. En attendant, dans les marchés de Mopti ou les greniers du Macina, les sacs de mil se vident plus vite que les mots. Et pendant que le pays cherche ses repères alimentaires dans la poussière des promesses non tenues, l’OPAM continue son chemin. Sans cap. Sans boussole.
A.D
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