La chute du régime Ibrahim Boubacar Kéïta, le 18 août 2020, n’a pas jusqu’à présent contribué à apaiser le front social au Mali. Tantôt des dénonciations des procédures de nomination dans des organes de la transition, tantôt des revendications syndicales.
La transition politique, née de la chute du régime IBK a ipso facto hérité des problèmes du système jugé pourri, mais dont les auteurs du putsch se sont portés continuateur. « L’État est une continuité », a rappelé Ismaël Wagué, porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), junte militaire qui a renversé le régime IBK, dès sa première sortie télévisée, le 19 août 2020.
Le point de départ
Quelques heures après ce premier discours, le porte-parole des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, Adama Fomba est revenu sur ses propos pour justifier la poursuite de leur mot d’ordre de grève : l’application de l’article 39 du statut du personnel enseignant.
L’apaisement qui devrait naître de l’accord obtenu avec les syndicats du secteur de l’éducation a été vite balayé après la libération du chef de fil de l’opposition malienne ainsi que de trois autres otages, le 5 octobre 2020. Ces libérations ont invité les administrateurs civils sur le ring. Ceux-ci ont d’abord remis une recommandation au Premier ministre Moctar Ouane, le 15 octobre 2020, pour demander la libération de deux de leurs collègues pris en otage et dont les auteurs réclament 20 millions de FCFA. Une somme que les autorités maliennes n’auraient pas pu payer malgré qu’elles aient réussi à payer une somme importante pour la libération de Soumaïla Cissé et de trois autres otages. Depuis, les administrateurs civils ainsi que des agents des mairies du Mali sont en grève. Une situation avec de réels incidences sur plusieurs secteurs d’activités du pays.
L’UNTM dans la danse
Comme si toutes ces déstabilisations ne suffisaient point, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) est venue mettre ses pieds dans le plat. Après une grève de 72 h, la semaine dernière, cette grande centrale syndicale du Mali a déposé, lundi 23 novembre 2020, un autre préavis de grève sur la table du gouvernement. Une grève qui doit commencer à partir du 14 décembre pour s’étendre jusqu’au 18 décembre 2020. Au même moment, la synergie des sections syndicales des surveillants de prison du Mali, après une grève de quatre jours, a déposé, lundi 23 novembre 2020, un préavis de grève de 10 jours sur la table du gouvernement. Selon le secrétaire général de la section syndicale des surveillants de prison du Mali, le lieutenant Daouda Konaté, cette grève doit s’étendre du lundi 14 au vendredi 25 décembre 2020.
Rupture de confiance
Tous ces mouvements de grèves laissent apparaître une évidence : la déception des Maliens de la transition politique en place. Cette transition avait été vue comme une panacée. La rupture totale avec le régime supplanté tarde à devenir une réalité tangible aux yeux des Maliens. Les réformes tant attendues peinent à voir le jour. La classe politique aussi bien que les citoyens estiment que la transition n’est qu’une continuité du régime renversé. Des faits les réconfortent dans leur position : la militarisation progressive de la transition.
Le péché des autorités
Pourtant, l’on doit se demander là où la transition politique a pu bien pécher. Le résultat de plusieurs sondages réalisés avant la mise en place de cette transition ne révélait-il pas la confiance des Maliens aux militaires pour la gestion de cette transition ? Le péché des autorités de la transition, c’est d’abord le fait de s’être fié à l’apparence. Ces résultats ne venaient pas du fond du cœur. Ils traduisaient juste l’instant de colère d’un peuple papillon qui se laisse transporter par des vents contraires. En second lieu, le fait de signer sans le savoir un accord tacite avec le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le mouvement hétéroclite qui a vu le jour afin de demander le départ d’IBK, a été l’autre péché des autorités de la transition ou plutôt du CNSP. La plupart des partis politiques composant ce mouvement croyaient au miracle après la chute d’IBK. Mais avec le CNSP, ceux-ci ont vu leur chance diminuée et ne sont pas prêts à accepter leur sort. Les autorités de la transition ont-elles vraiment péché ? Elles sont victimes de leur trop grande confiance aux paroles d’un peuple déstabilisé moralement et financièrement par des années de mauvaise gouvernance.
Que les autorités de la transition se souviennent quand bien même qu’il serait difficile de résister au front social ! Pour ce faire, il est important qu’elles soient assez regardantes aux revendications syndicales.
Fousseni Togola
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