La relation franco-algérienne connaît un nouvel épisode de crispation diplomatique, cette fois autour de la question migratoire. La décision d’Alger de rejeter une liste de soixante ressortissants algériens frappés d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) a entraîné une réaction immédiate du gouvernement français. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a annoncé une « riposte graduée », incluant la suspension de l’accord de 2007 sur les passeports diplomatiques et le rappel de l’ambassadeur français en Algérie. Une escalade qui soulève plusieurs enjeux, à la fois politiques, diplomatiques et historiques.
Le rejet par l’Algérie de cette liste d’expulsés repose sur des arguments à la fois de forme et de fond. D’une part, Alger considère que la France a outrepassé le canal diplomatique habituel, qui passe par les préfectures et les consulats. D’autre part, les autorités algériennes invoquent les accords bilatéraux de 1974 et 1994 pour encadrer le traitement des demandes d’éloignement.
Face à ce refus, Paris a durci le ton. En plus de la remise en cause des accords de 2007, Gérald Darmanin a évoqué une possible révision des accords de 1968, qui accordent aux Algériens un statut migratoire particulier en France. Ce traité est régulièrement critiqué par la droite et l’extrême droite françaises, qui plaident pour sa suppression.
Des enjeux politiques internes en France
Le durcissement de la position française intervient dans un contexte politique marqué par des débats intenses sur l’immigration et la sécurité. La droite républicaine, à travers Bruno Retailleau, cherche à imposer une ligne ferme sur ces questions, tandis que le gouvernement Macron oscille entre fermeté et volonté d’apaisement. L’attentat de Mulhouse en février dernier, impliquant un Algérien sous OQTF, a également alimenté le débat public et accru la pression sur l’exécutif français.
Par ailleurs, cette crise intervient à quelques mois des élections européennes, où la question migratoire est un enjeu central. Marine Le Pen, en réaction au refus algérien, a appelé à des mesures encore plus radicales, notamment un gel des visas, la suspension des aides publiques au développement et la fin des transferts de fonds privés vers l’Algérie.
Une relation franco-algérienne sous tension permanente
La crise actuelle s’inscrit dans une série de tensions récurrentes entre Paris et Alger. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, les relations entre les deux pays oscillent entre tentatives de rapprochement et crispations. La question mémorielle, les restrictions de visas en 2021, l’affaire Boualem Sansal ou encore le rappel de l’ambassadeur algérien en juillet 2024 ont jalonné une relation déjà fragile.
Si le président français a récemment prôné une renégociation plutôt qu’une dénonciation des accords de 1968, la pression politique interne pourrait l’obliger à adopter une posture plus ferme. Alger, de son côté, refuse toute concession perçue comme une ingérence et rejette toute forme de pression.
Vers une crise durable ?
Le bras de fer actuel entre Paris et Alger semble loin d’être résolu. Si la France met effectivement en œuvre ses mesures de rétorsion, une riposte algérienne est à prévoir, avec notamment un possible durcissement des conditions d’octroi de visas pour les Français ou une remise en cause de coopérations bilatérales dans d’autres domaines.
La relation franco-algérienne reste marquée par une histoire complexe et des intérêts divergents. La gestion de cette crise sera un test majeur pour les deux gouvernements, qui devront choisir entre l’escalade et la recherche d’un compromis.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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