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En Guinée, la présidentielle du 28 décembre scelle la fin de la transition… ou sa prolongation

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 Quatre ans après le coup d’État qui a renversé Alpha Condé, la Guinée s’apprête à tourner une page décisive de sa transition. Ce dimanche, les électeurs sont appelés à choisir leur président lors d’un scrutin censé rétablir l’ordre constitutionnel, mais dont les conditions d’organisation suscitent de fortes réserves. Avec la candidature du général Mamadi Doumbouya, président de la transition, cette élection pourrait consacrer le retour à l’ordre constitutionnel.

À Conakry, ce dimanche 28 décembre 2025, près de sept millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire leur président. Quatre ans après le coup d’État qui a renversé Alpha Condé, ce scrutin est censé marquer le retour à l’ordre constitutionnel. Mais dans un climat verrouillé et une opposition marginalisée, la candidature du général Mamadi Doumbouya, président de la transition, donne à cette élection des allures de plébiscite.

Un scrutin pour clore la transition… ou la prolonger

La présidentielle de ce dimanche se veut le point d’orgue du processus de transition ouvert après le renversement d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021. Elle doit permettre de rendre le pouvoir aux civils et de rétablir les institutions démocratiques suspendues depuis quatre ans. Ce processus intervient au terme d’une séquence politique dominée par le général Mamadi Doumbouya, qui a piloté la réforme constitutionnelle autorisant sa propre candidature.

Le référendum du 21 septembre dernier, largement approuvé selon des chiffres officiels (89,38 % de « oui »), a introduit une nouvelle Constitution étendant la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, renouvelable une fois. Elle a surtout supprimé la clause interdisant aux membres du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) – les militaires au pouvoir – de participer aux futures élections. Cette modification a ouvert la voie à la candidature du général Doumbouya, 41 ans, désormais favori incontesté du scrutin.

Une opposition écartée et une élection verrouillée

La Cour suprême n’a validé que neuf candidatures sur les 51 déposées, éliminant de la course les principales figures de l’opposition, dont l’ancien président Alpha Condé, le chef de file de l’UFDG Cellou Dalein Diallo et l’ex-Premier ministre Lansana Kouyaté. Cette sélection drastique a réduit l’élection à une compétition entre personnalités peu connues et le chef de l’Etat.

Depuis 2021, la vie politique guinéenne s’est profondément refermée. Les grands partis ont été suspendus, les manifestations interdites, et plusieurs médias indépendants muselés. Des organisations de défense des droits humains dénoncent des arrestations arbitraires et des disparitions. L’ONU a fait part de son inquiétude face à ce qu’elle décrit comme un climat « d’intimidation et de répression politique ».

Les conditions d’organisation du scrutin alimentent les doutes. Tous les préfets du pays ont été remplacés par des officiers militaires, et les élus municipaux, dissous, remplacés par des responsables nommés. Le contrôle du processus électoral par l’appareil d’État militaire alimente la suspicion d’une élection à sens unique.

Mamadi Doumbouya, du coup d’Etat à la conquête du pouvoir civil

Figure centrale de cette transition, Mamadi Doumbouya, ancien officier des forces spéciales, avait justifié son coup d’État par la nécessité de « refonder l’État » et de « mettre fin à la personnalisation du pouvoir ». Quatre ans plus tard, son profil est paradoxalement celui d’un homme fort cherchant à consolider une présidence bâtie sur l’appareil militaire.

Sa campagne, discrète mais omniprésente dans les médias publics, a mis en avant le thème de la stabilité, de la souveraineté nationale et de la « renaissance guinéenne ». Pour ses partisans, il incarne la continuité de l’ordre et le renouveau institutionnel. Pour ses opposants, sa candidature marque l’échec de la transition et la perpétuation du pouvoir militaire sous un vernis civil.

Une participation décisive pour la crédibilité du scrutin

L’un des enjeux majeurs réside dans la participation électorale. L’opposition, en grande partie exclue ou en exil, a appelé au boycott du scrutin, dénonçant une « mascarade électorale ». Dans un pays où l’abstention a souvent été perçue comme un acte de défiance politique, le taux de mobilisation sera scruté de près par les observateurs internationaux, absents pour la plupart à la suite de désaccords avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Les autorités assurent que les dispositions logistiques et sécuritaires sont « totalement garanties », avec la fermeture des frontières terrestres et aériennes, et la mobilisation de 20 000 agents de sécurité. Mais au-delà de la stabilité du jour du vote, c’est la légitimité du processus que la Guinée joue sur la scène internationale.

Un scrutin aux répercussions régionales

Cette élection dépasse le seul cadre guinéen. Elle sera observée de près par les autres États de la région, notamment ceux de l’Alliance des États du Sahel (AES), réunissant depuis le 16 septembre 2023 le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où la question du retour au pouvoir civil se pose également. Une victoire du général Doumbouya pourrait reconfigurer le jeu politique en Afrique de l’Ouest.

Quatre ans après avoir renversé Alpha Condé au nom de la démocratie et de la refondation de l’État, le général Mamadi Doumbouya joue une partie décisive. Si son élection ne fait guère de doute, sa capacité à gouverner un pays profondément divisé et économiquement fragile demeure incertaine.

Pour la Guinée, le scrutin de ce dimanche ne décidera peut-être pas seulement d’un président. Il dira surtout si le pays est capable de renouer avec une véritable vie démocratique – ou s’il s’installe durablement dans une nouvelle ère de présidentialisme militaire.

A.D


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