Au cœur du tumulte politique malien, le M5-RFP, symbole d’espoir en 2020, atteint un point de rupture. La destitution de Choguel Kokalla Maïga le 5 mars 2024 souligne les fissures menaçant l’unité de la coalition. Une crise longtemps latente, révélant les luttes de pouvoir et les visions divergentes.
Au Mali, la révolution de 2020 qui promettait un nouveau départ se heurte à la réalité d’une crise interne sans précédent au sein du M5-RFP. Entre aspirations démocratiques et luttes de pouvoir, la destitution de Choguel Koala Maïga soulève des questions cruciales sur l’avenir de la coalition et, par extension, de tout un pays.
La misère de Choguel Kokalla Maïga
La chute de Choguel Kokalla Maïga du leadership du M5-RFP représente bien plus qu’un simple remaniement au sein d’un mouvement politique ; elle marque un tournant décisif dans la trajectoire du gouvernement de transition malien et met en évidence les fractures profondes au sein de la coalition qui menaçaient depuis longtemps de bouleverser son unité. La réunion qui a scellé le sort de Maïga, orchestrée par l’imam Oumarou Diarra, vice-président par intérim, n’était pas qu’une formalité. Elle était le résultat cumulé de mois de dissensions internes, de luttes de pouvoir, et de divergences fondamentales sur la direction et les stratégies du M5-RFP.
Choguel Kokalla Maïga, ayant joué un rôle clé dans la mobilisation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, avait incarné les aspirations à un changement radical et à une nouvelle vision pour le Mali. Son leadership dans le gouvernement de transition était perçu comme une étape cruciale vers la réalisation de ces aspirations. Cependant, les défis étaient monumentaux. La tâche de naviguer à travers les eaux troubles de la politique malienne, marquée par des enjeux de sécurité, des exigences économiques pressantes, et la nécessité de répondre aux aspirations démocratiques du peuple, s’est avérée être un défi redoutable.
Les tensions sous-jacentes au sein du M5-RFP n’ont pas tardé à émerger. Des divergences sur des questions clés telles que les réformes politiques, la sécurité, et le rôle du mouvement dans le gouvernement de transition ont commencé à fissurer l’unité de façade. La situation était exacerbée par des luttes de pouvoir internes et des accusations mutuelles de népotisme et de mauvaise gestion. Pour certains membres du mouvement, Maïga représentait une figure de plus en plus polarisante, incapable de concilier les factions rivales ou de mener le Mali sur la voie d’une transition réussie.
Les racines de la crise
La crise qui secoue le M5-RFP ne s’est pas développé du jour au lendemain. Elle trouve ses origines dans les séquelles laissées par le coup d’État militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta. Bien que ce renversement ait été salué comme un pas vers le changement, il n’a pas suffi à apaiser les tensions politiques préexistantes au Mali. Au contraire, il a ouvert la boîte de Pandore des dissensions au sein du M5-RFP, une coalition qui avait joué un rôle de premier plan dans la mobilisation contre le régime de Keïta.
Le M5-RFP, dès sa conception, était un assemblage hétérogène de groupes aux intérêts parfois divergents. Composé d’acteurs politiques, de la société civile, de groupes religieux et de citoyens engagés, le mouvement a initialement réussi à canaliser le mécontentement populaire vers un objectif commun : le renversement de Keïta. Cependant, une fois cet objectif atteint, les divergences quant à la vision de l’avenir politique du Mali ont rapidement émergé, révélant les failles d’une coalition construite sur un ennemi commun plutôt que sur une vision partagée du futur.
Ces divergences se sont cristallisées autour de plusieurs points clés : la gestion de la transition post-coup d’État, les relations avec les autorités militaires au pouvoir, et les stratégies pour répondre aux aspirations démocratiques du peuple malien. Les désaccords ont été exacerbés par la pression des défis internes et externes auxquels le Mali est confronté, notamment l’insécurité croissante dans le nord et le centre du pays, la pauvreté, et la corruption.
La crise au sein du M5-RFP représente un moment charnière de l’histoire politique du Mali, soulignant l’importance de l’unité, du leadership et d’une vision commune pour l’avenir. Alors que la nation se trouve à la croisée des chemins, la résolution de cette crise et le chemin vers un Mali stable et démocratique restent des défis critiques qui exigent de l’attention et de l’action.
Oumarou Fomba
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