Au Burkina Faso, les Assises nationales sur la transition, qui ont débuté le samedi 25 mai 2024 et étaient prévues pour durer deux jours, ont pris fin le même jour, dans l’après-midi avec une décision lourde de conséquences : la signature d’une nouvelle charte prolongeant la transition pour 60 mois supplémentaires. Cette prolongation, annoncée par le capitaine Ibrahim Traoré, reflète la complexité et les défis du contexte socio-politique burkinabé.
Comme une monture qui s’apprête à franchir un col escarpé, le Burkina Faso prolonge sa transition politique de cinq ans, cherchant à gravir les sommets de la stabilité et de la sécurité. Cette décision, prise lors des Assises nationales, promet des réformes profondes, mais soulève aussi des doutes quant à l’endurance démocratique du pays.
Contexte et décision
Les représentants des différentes couches de la société burkinabé, y compris les chefs coutumiers, religieux, organisations de la société civile, partis politiques, et forces de défense et de sécurité, se sont réunis pour faire un bilan de la transition depuis octobre 2022 et définir la suite du processus. Cette réunion, initialement prévue pour deux jours, s’est achevée en une journée avec l’adoption d’une nouvelle Charte.
Le document signé par le capitaine Ibrahim Traoré prolonge la transition pour une période de cinq ans, débutant le 2 juillet prochain. Initialement, une durée de trois ans et demi (42 mois) avait été proposée, mais les participants ont opté pour une période plus longue. Le document précise que des élections pourraient néanmoins être organisées avant cette échéance si la situation sécuritaire le permet. Chose que le Capitaine Ibrahim Traoré avait déjà fait entendre lors d’une interview accordée à Alain Foka en mars 2024, après le départ des trois pays de l’Alliance des États du sahel (AES) de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest).
Analyse des implications
Cette décision de prolongation de la transition soulève plusieurs questions et implications pour le Burkina Faso. D’abord, il est important de comprendre les raisons derrière cette extension significative. Le ministre Emile Zerbo a évoqué un « tournant décisif » nécessitant un « sursaut patriotique » pour reconquérir le territoire et réussir la transition. Selon lui, « les grandes épreuves forgent les grands hommes », et cette période prolongée est essentielle pour stabiliser le pays et mettre en place des réformes durables.
Le chef de l’État, désormais appelé président du Faso, chef de l’État, chef suprême des armées, ainsi que le Premier ministre et le président de l’Assemblée législative pourront être candidats aux élections présidentielle, législatives et municipales à la fin de la transition. Cette disposition a suscité des débats, notamment sur l’équité et la transparence des futures élections.
Un nouvel organe, le Korag, sera créé pour définir, suivre et contrôler la mise en œuvre de la vision stratégique du pays. Cet organe reflète la volonté de structurer et d’institutionnaliser les efforts de transition pour garantir une approche cohérente et stratégique.
Réactions et controverses
Durant les débats, des centaines de manifestants soutenant le régime se sont rassemblés autour de la salle de conférence, demandant un mandat d’au moins dix ans pour le capitaine Ibrahim Traoré. Les forces de sécurité ont dû intervenir pour repousser ces manifestants, soulignant les tensions et les passions suscitées par cette décision.
Cette prolongation de la transition peut être vue sous deux angles. D’un côté, elle peut être perçue comme une mesure nécessaire pour assurer la stabilité et la sécurité du Burkina Faso, permettant au gouvernement de mettre en œuvre des réformes profondes sans la pression d’une échéance électorale imminente. De l’autre côté, elle peut être critiquée comme une manœuvre pour prolonger indéfiniment le pouvoir en place, risquant de saper la confiance du public dans le processus démocratique.
Perspectives d’avenir
Pour comprendre pleinement l’impact de cette prolongation, il est essentiel de suivre de près la mise en œuvre des réformes promises et les progrès réalisés dans les domaines clés tels que la sécurité, la gouvernance, et la reconstruction économique. La création du Korag sera particulièrement intéressante à observer, car son efficacité dépendra de sa capacité à agir de manière indépendante et transparente.
Les élections qui pourraient avoir lieu avant la fin de la période de transition, si la situation sécuritaire le permet, seront un test crucial de la volonté du gouvernement de respecter les principes démocratiques. La possibilité pour les dirigeants actuels de se présenter à ces élections ajoute une couche de complexité, posant des questions sur l’équité et la transparence du processus électoral.
La décision de prolonger la transition au Burkina Faso pour cinq ans reflète les défis complexes et les besoins pressants du pays. Elle souligne la nécessité d’un sursaut patriotique et d’un engagement collectif pour stabiliser le Burkina Faso et mettre en place des réformes durables. Cependant, elle pose également des questions critiques sur la transparence, l’équité, et la véritable volonté de conduire le pays vers une démocratie stable et inclusive. Seul le temps dira si cette prolongation sera un pas vers la stabilité et le progrès ou un prolongement des incertitudes et des tensions politiques.
Chiencoro Diarra
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