Alors que le Sahel suffoque sous une chaleur extrême, coïncidant une fois de plus avec le ramadan, des millions de vies sont en péril, victimes silencieuses du changement climatique.
Depuis toujours, les civilisations ont prospéré ou disparu sous l’effet du climat. Les grandes sécheresses ont anéanti des empires, du royaume d’Aksoum en Éthiopie à la civilisation maya en Amérique centrale. Aujourd’hui, une autre catastrophe se joue sous nos yeux, silencieuse mais implacable. Le Sahel est en train de devenir inhabitable.
L’évolutionnisme darwinien
En mars 2025, le thermomètre a franchi des seuils inédits : 48 °C à Kayes, 46 °C à Ouagadougou, des nuits où la température ne descend pas sous les 30 °C. Une chaleur qui n’a rien d’anecdotique. Elle sape la productivité, met en péril les cultures, rend le sommeil impossible et pousse les populations sur les routes de l’exode. Ces vagues de chaleur, qui n’étaient autrefois qu’exceptionnelles, deviennent la norme.
Et cette année, comme l’année dernière, cette fournaise tombe en plein mois de ramadan. Un mois de jeûne et de spiritualité, transformé en épreuve de survie. Du lever au coucher du soleil, des millions de croyants s’abstiennent de boire et de manger, alors même que leur corps est soumis à une déshydratation extrême. Dans les hôpitaux de Bamako, Ouagadougou et Niamey, les admissions pour malaises et coups de chaleur explosent. Ceux qui travaillent dehors — agriculteurs, ouvriers, commerçants — luttent contre une chaleur qui ne laisse aucun répit.
Le phénomène n’est pas propre au Sahel. L’histoire nous enseigne que des vagues de chaleur ont été parmi les premières causes de migrations massives. Il y a 4 000 ans, la désertification du Sahara a forcé les populations à descendre vers le Nil, contribuant à l’essor de l’Égypte pharaonique. Aujourd’hui, la même logique s’impose. Ceux qui ne pourront plus vivre ici partiront ailleurs, vers le Golfe de Guinée, vers l’Europe. On ne sort point de l’évolutionnisme darwinien, avec la sélection naturelle.
Le sahel victime d’une crise incontrôlable
D’ici 2050, plus de 85 millions d’Africains seront contraints de quitter leurs terres en raison du changement climatique. Qui s’y prépare ? Personne. Les grandes puissances, pourtant si promptes à investir dans des infrastructures minières et énergétiques, restent aveugles aux besoins vitaux des populations.
Le paradoxe est cruel. Les pays du Sahel, qui ne produisent que 2 à 3 % des émissions mondiales de CO₂, en subissent les effets les plus dévastateurs. Une injustice climatique absolue. La solution ? Elle existe. Il ne manque que la volonté politique.
Le Sénégal a déjà mis en place des systèmes d’alerte précoce contre les vagues de chaleur. Pourquoi ne pas les généraliser à toute la région ? Pourquoi ne pas investir massivement dans des programmes de reforestation, de gestion de l’eau, de modernisation agricole ? Pourquoi ne pas créer un grand fonds climatique pour le Sahel, financé par une taxe sur les profits des multinationales extractives ?
Les réponses viendront trop tard, comme toujours. On attendra que la crise devienne incontrôlable, que des millions de personnes soient sur les routes, que les tensions explosent. Et alors, l’Occident découvrira avec effroi ce qu’il aurait pu anticiper. On ne laisse pas un continent brûler impunément. L’Histoire nous l’a déjà appris. Mais qui prend encore la peine de l’écouter ?
F. Togola
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.