Les conclusions du rapport de la division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA sur la frappe survenue à Bounti, le 3 janvier 2021, sont assez inquiétantes pour le retour de la sécurité au Mali. Ce rapport confirme une frappe contre des hommes, dont certains armés, lors d’une cérémonie de mariage dans cette localité de la région de Mopti.
Survenue le 3 janvier 2021, cette frappe à Bounti a fait couler beaucoup d’encre et de salive et pourrait continuer d’en faire couler. La conclusion de l’équipe d’enquête de la MINUSMA, publiée ce mardi 30 mars 2021, confirme « la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe, une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma ». Ce rapport vient ainsi mettre à nu la version défendue jusqu’ici par les autorités françaises quant aux cibles de cette opération menée par la force Barkhane.
19 civils et 3 hommes armés tués à Bounti
Selon les précisions de la MINUSMA, 19 personnes ont été tuées, dont 16 civils et 3 des 5 personnes armées, au cours de cette frappe. « Trois (3) autres civils ont succombé à leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins d’urgence », précise-t-on. Ce qui fait porter le nombre de civils tués au cours de cette attaque à 19 contre un bilan total de 22 morts. Le rapport indique que les « deux autres individus armés auraient quitté le lieu du rassemblement avant la frappe ».
À travers ce rapport, la MINUSMA rappelle que « la présence supposée ou avérée de membres de la Katiba Serma dans cette zone n’est pas un élément suffisant pour affirmer l’appartenance de facto de tout individu observé dans cette même zone. »
Les autorités françaises n’ont pas pris de temps pour réagir à ce rapport. Le Ministère des Armées françaises maintient sa position initiale : « Cette frappe a suivi un processus de ciblage robuste qui permet d’assurer le strict respect des règles du droit des conflits armés ».
Des conclusions inquiétantes
Au-delà de l’éclairage que ce rapport apporte sur cette frappe à Bounti, un autre fait assez inquiétant apparait. Un aspect qui pourrait d’ailleurs semer le pessimisme dans les cœurs par rapport à l’issue de cette crise sécuritaire que traverse le Mali.
En effet, une analyse approfondie de ce rapport révèle une certaine complicité entre des civils de ces zones de conflits avec les groupes armés terroristes (GAT). Ceux-ci sont les cibles des forces militaires qui interviennent dans ces localités. Les populations en sont conscientes et continuent malgré tout de garder le silence sur les mouvements de ces hommes armés. Alors pourquoi gardent-elles le silence sur ces mouvements ? La réponse qui peut paraître vraie est que ces groupes les maintiendraient dans la terreur.
Réaction du ministre français des Armées
Parmi les raisons du doute des autorités françaises sur les conclusions de ce rapport, il y a bien cet aspect. « Les seules sources concrètes sur lesquelles se fonde ce rapport relèvent de témoignages locaux. Ils ne sont jamais retranscrits, l’identité des témoins n’est jamais précisée tout comme les conditions dans lesquelles ces témoignages ont été recueillis. Il est dès lors impossible de distinguer les sources crédibles des faux témoignages d’éventuels sympathisants terroristes ou d’individus sous influence (y compris la menace) des groupes djihadistes », a indiqué le ministère des Armées françaises dans son communiqué. Une éventualité à ne point négliger dans ces zones. Vivant dans la terreur, il serait difficile que ces populations acceptent de se confier en toute objectivité.
Dans un tel contexte, s’il y a un problème auquel il conviendrait de s’attaquer afin d’espérer dénouer cette crise sécuritaire, c’est bien d’user de méthodes permettant de mettre en confiance les populations de ces zones sous l’emprise des terroristes. Tant que ce combat ne sera pas gagné, non seulement les civils continueront à être la cible des frappes, mais aussi la crise sécuritaire ne ferait que s’empirer tout en renforçant le lien entre les terroristes et les civils.
Lire le rapport de la Minusma ici et le communiqué du ministère français des Armées en réaction à ce rapport de la mission Onusienne au Mali là.
Fousseni Togola
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