Home A la Une Billet. À la table du ramadan, l’inflation s’invite au festin.

Billet. À la table du ramadan, l’inflation s’invite au festin.

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Entre privation diurne et festin nocturne, le ramadan en Afrique de l’Ouest oscille entre spiritualité et surconsommation, dans un paradoxe où l’inflation et le gaspillage prennent le pas sur l’austérité prônée par l’Islam.

Le ramadan, mois sacré de jeûne, d’abstinence et de recueillement, se vit en Afrique de l’Ouest comme un curieux paradoxe. Le jour, on se prive. La nuit, on compense. Et dans cette frénésie du ventre qui se libère après le Maghreb, les marchés explosent, les prix s’envolent, et les valeurs spirituelles se diluent dans les vapeurs de fritures et les étals surchargés.

Une théâtralisation qui ne trompe personne

Dakar, Niamey, Bamako, Ouagadougou… Même scène, même rituel. Les ménages, déjà étranglés par l’inflation galopante, se ruinent pour remplir leurs assiettes d’une démesure qui aurait fait pâlir les plus grands banquets de l’histoire. Le sucre, l’huile, le riz et le mil deviennent des monnaies d’or, et les commerçants, habiles calculateurs du besoin et du manque, orchestrent cette flambée des prix avec un cynisme qui frôle le génie.

Et pourtant, que dit l’Islam ? Que le ramadan est un mois d’élévation spirituelle, d’humilité, de retour à l’essentiel. Qu’il est censé nous rappeler la faim du pauvre, la souffrance de celui qui ne sait pas de quoi sera fait son prochain repas. Mais que constatons-nous ? Une surconsommation frénétique, un gaspillage honteux, et une théâtralisation du jeûne qui ne trompe personne.

Regardez ces chiffres. Au Mali, plus de la moitié des dépenses des ménages ruraux est consacrée à l’alimentation. Au Niger, 20 % de la population souffre d’insécurité alimentaire chronique, mais paradoxalement, les dépenses alimentaires explosent durant ce mois de privation supposée. Au Burkina, l’inflation pèse sur des foyers déjà exsangues, mais la table du ftour doit rester garnie coûte que coûte.

Dieu n’aime pas les excès

Le comble du spectacle ? Les enseignes commerciales, flairant l’aubaine, transforment les supermarchés en temples de la consommation halal-friendly, multipliant les offres spéciales et les promotions « Ramadan ». Des rayons entiers dédiés à l’orgie nocturne du sucre, des huiles et des féculents, où l’on achète plus que de raison, où l’on jette sans scrupule, où le gaspillage devient la norme dans un mois qui prêche l’austérité.

Et qui en paie le prix ? Certainement pas les élites économiques qui spéculent sur les stocks et les marges bénéficiaires. Certainement pas ceux qui voient dans cette surenchère une manière d’afficher leur opulence. Non, ce sont les mêmes, toujours les mêmes. Les mères de famille qui comptent leurs pièces pour acheter un sac de mil à prix d’or, les ouvriers qui espèrent que le sucre ne devienne pas un luxe inaccessible, les petits commerçants qui subissent sans avoir leur part du gâteau.

Le ramadan, dans nos sociétés, est devenu un grand marché, où la foi se monnaie et où l’austérité se vend au prix fort. Dieu n’aime pas les excès, dit le Coran. Les hommes, eux, s’en accommodent très bien.

Chiencoro Diarra


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