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BCID-AES : et si la souveraineté commençait par la banque ?

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À rebours des schémas d’aide classiques, le Mali, le Burkina Faso et le Niger lancent la BCID-AES, une banque de développement confédérale pensée comme levier de souveraineté financière et outil d’émancipation régionale.

Il est des décisions politiques qui, en apparence, n’envoient pas de troupes, ne claquent pas dans les chancelleries et ne saturent pas les plateaux de télévision. Pourtant, elles déplacent des lignes plus profondément que bien des discours martiaux. L’annonce de la création de la Banque Confédérale pour l’Investissement et le Développement de l’AES (BCID-AES), ce mois de mai à Bamako, appartient à cette catégorie : celle des actes fondateurs silencieux.

Car ici, pas de communiqué vengeur, pas de bras de fer diplomatique. Juste trois pays sahéliens qui ont décidé, ensemble, de se doter d’un instrument bancaire à la hauteur de leurs ambitions. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger — trois nations que l’on préfère souvent réduire à leurs défis sécuritaires — ont choisi le levier de la finance pour reconquérir leur autonomie stratégique.

Une banque contre la dépendance

La BCID-AES n’est pas une institution de plus. C’est un manifeste financier. Elle incarne une double rupture. D’abord, avec le modèle postcolonial de développement, longtemps fondé sur l’endettement externe, les lignes de crédit conditionnées et les agendas exogènes. Ensuite, avec la fragmentation économique qui affaiblit l’espace sahélien depuis des décennies.

Son objectif est limpide : mobiliser des ressources propres, canaliser les flux internes, investir là où les besoins sont urgents et les intérêts nationaux prioritaires. Énergie, infrastructures, agriculture, éducation : ce sont les veines de la souveraineté réelle. Et c’est là que la banque veut injecter ses financements.

Une institution ancrée dans le réel sahélien

Au-delà des chiffres et des statuts, la BCID-AES est une réponse politique à une urgence historique. Celle d’un Sahel relégué, tenu à distance des centres de décision économique, souvent sommé de prouver sa crédibilité avant même d’exister.

Mais aujourd’hui, le vent tourne. Le prélèvement confédéral de 0,5 % sur les importations non-AES marque une volonté d’ancrer le financement dans le réel régional. La réforme des cadres miniers, qui permettra de capter une part des revenus extractifs, inscrit la banque dans une logique de revalorisation du sous-sol au bénéfice du sol social. C’est un autre pacte que l’on dessine ici, entre le peuple, ses ressources, et son avenir.

L’audace d’un imaginaire collectif

Il faut le dire : l’AES n’attend plus que l’on vienne l’aider. Elle s’organise pour s’aider elle-même, avec ses moyens, ses choix, ses contraintes. Loin des plans quinquennaux téléguidés ou des conditionnalités macroéconomiques, la BCID-AES porte un imaginaire : celui d’un espace qui croit à sa propre capacité de transformation.

Ce n’est pas un hasard si la future banque inscrit, parmi ses priorités, la promotion de l’identité culturelle et éducative. Dans un monde où l’on tente trop souvent de fabriquer la souveraineté depuis l’extérieur, voici une structure née de l’intérieur, pensée par ses membres, pour ses membres.

Le vrai défi : gouverner la confiance

Oui, la route sera longue. La réussite de la BCID-AES dépendra d’un mot souvent galvaudé : la gouvernance. Il faudra bâtir des statuts solides, désigner un conseil d’administration crédible, instaurer des règles de transparence. Mais si le projet réussit — et tout indique que les États membres y veilleront — la BCID-AES pourrait devenir le cœur financier battant d’un Sahel en reconstruction.

En somme, la souveraineté ne se décrète pas. Elle se finance. Et au Sahel, désormais, elle se finance à Bamako, Ouagadougou et Niamey — ensemble.

Chiencoro Diarra 


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