Bocar Harouna Diallo, chercheur en géographie rurale à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, analyse dans cette tribune, les espaces publics médiatiques sénégalais. Les débats publics au Sénégal manquent de plus en plus de contenu et de qualité. L’émotionnel prime sur la logique, parce que les véritables spécialistes sont mis de côté au profit des experts qui se croient généralistes.
Les espaces publics médiatiques sont dominés par l’émotion et la subjectivité. Le recul et l’analyse objective et impartiale ont laissé la place aux sujets futiles et parfois vides de contenus sans aucun impact positif sur le bon fonctionnement du pays. Les débats sont devenus médiocres. Pire, la parole a souffert, car désormais adressée à des haut-parleurs sans arguments scientifiques.
Sortir des ténèbres du sous-développement, de l’impunité, nécessite des efforts de réflexion sans parti pris. Les faits divers sont devenus le centre d’intérêt.
L’objectivité et l’honnêteté
Pourtant, dans ce pays de la Teranga, les populations sont confrontées à des problèmes réels parmi lesquels des problèmes socio-économiques, de l’employabilité des jeunes et de la migration irrégulière ainsi que de la mobilité urbaine et de la transgression maritime. Au Sénégal, le peuple souffre également des effets du changement climatique.
Malheureusement, en suivant les débats publics, nous avons l’impression que ce pays de l’Afrique de l’Ouest manque de vrais sujets de discussion. N’est-il pas plus important de discuter sur les enjeux géopolitiques et stratégiques actuels ? N’est-il pas plus urgent de proposer des pistes de réflexion pour un sénégalais plus prospère et opulent ? N’est-il pas plus crucial de conscientiser le peuple sur le changement climatique et ses effets ?
Une multitude d’interrogations qui traduit toute une déception et toute une incompréhension de l’espace public sénégalais. L’objectivité et l’honnêteté sont des forces qui ne sont malheureusement pas données à tout le monde. Pourtant, au Sénégal, tout le monde est expert dans tous les domaines.
La réaction factuelle
Les programmes des débats télévisés sont animés par des idoles sans verbe ni frein sur le langage. Malheur pour le Sénégal, pays de la Teranga, où on est expert dans tous les sujets. Les scènes de comédie et autres ont enrayé les débats et émissions des cadres et intellectuels de haut standing. Un peuple qui n’apprend rien de ses erreurs, qui oublie vite, qui est trop émotif vivra toujours dans la réaction factuelle.
À la place des confrontations scientifiques avec des spécialistes, on préfère le show. Chaque citoyen a, certes, droit à la parole, mais n’est pas expert qui veut et qui voit le micro.
Le Sénégal regorge de dignes fils ayant une renommée internationale et qui sont distingués par leur savoir-faire. Mais malheureusement, ceux-ci sont minimisés au niveau national.
La restructuration des débats sur des questions essentielles s’impose. On doit plutôt miser sur les ressources humaines en vue de penser, fabriquer et gouverner le pays.
Bocar Harouna Diallo
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