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Tribune. Le coût de l’inaction écologique dépassera bientôt celui des transformations

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Alors que les crises climatiques, la perte de biodiversité et la pollution fragilisent déjà les économies et les sociétés, le nouveau rapport Global Environment Outlook du PNUE affirme qu’un autre avenir reste possible. En investissant massivement dans la santé planétaire — climat stable, écosystèmes préservés, réduction de la pollution — le monde pourrait générer des milliers de milliards de dollars de gains économiques, sauver des millions de vies et sortir des populations entières de la pauvreté. À condition de rompre avec le modèle actuel, fondé sur l’extraction, la surexploitation et la fragmentation des politiques environnementales.

La planète se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif, et le dernier rapport Global Environment Outlook (GEO-7), publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ne laisse aucune place au doute : si le monde poursuit son modèle de développement actuel, il s’engage inexorablement vers une dégradation accélérée du climat, de la biodiversité et de la qualité de vie humaine. Mais l’évaluation, fruit du travail de 287 scientifiques issus de 82 pays, affirme aussi qu’un autre futur reste possible. En investissant dans la “santé planétaire”, les sociétés pourraient générer 20 000 milliards de dollars de gains économiques chaque année d’ici 2070, éviter des millions de décès et sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté.

Un modèle économique qui s’effrite sous le poids des crises écologiques

La spirale actuelle est documentée avec une précision alarmante. Les événements climatiques extrêmes coûtent déjà 143 milliards de dollars par an, entre 20 % et 40 % des terres mondiales sont dégradées, un million d’espèces sont menacées d’extinction, et la pollution provoque neuf millions de morts chaque année. Le PIB mondial en subira les conséquences directes. Selon le rapport, la crise climatique réduira la richesse planétaire de 4 % dès 2050, et de 20 % d’ici la fin du siècle.

Pire encore, si les trajectoires actuelles se maintiennent, la hausse des températures dépassera 1,5 °C dès le début des années 2030, puis franchira les 2 °C dans les années 2040, accélérant des dérèglements déjà perceptibles partout dans le monde. Ce scénario, dit “business as usual”, ne serait pas seulement synonyme d’un recul environnemental, il provoquerait instabilité géopolitique, crises alimentaires, migrations forcées et fragilisation structurelle des États.

Un changement de cap est possible — et nécessaire

Face à ce constat, le PNUE trace une alternative claire : transformer en profondeur les modes de production, de consommation et de gouvernance. Pour Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE, l’humanité doit faire un choix qui n’en est plus un :« Continuer sur la route d’un avenir dévasté ou prendre une voie nouvelle pour assurer une planète saine, des populations en bonne santé et des économies résilientes. Ce n’est pas un choix réel. »

Le rapport démontre que les investissements en faveur du climat, de la biodiversité et de la lutte contre la pollution ne représentent pas un coût net, mais un dividende à long terme. Dès 2050, les bénéfices économiques des transformations écologiques seront visibles, et atteindront 20 000 milliards de dollars annuels en 2070, puis bien davantage au-delà.

Cinq transformations radicales pour reconstruire le monde

Le GEO-7 identifie cinq systèmes clés dont la transformation est indispensable : l’économie et la finance, les matériaux et les déchets, l’énergie, les systèmes alimentaires et la gestion de l’environnement. Dans chacun, la rupture est plus nécessaire que l’ajustement.

  • Refonder l’économie : dépasser le PIB pour intégrer le capital naturel et humain ; réformer les subventions néfastes ; corriger les prix pour refléter les externalités environnementales.
  • Entrer dans l’économie circulaire : repenser la conception des produits ; réduire drastiquement les déchets ; transformer les modes de consommation.
  • Décarboner l’énergie : accélérer la transition énergétique ; réduire la dépendance aux hydrocarbures ; garantir un accès universel à l’énergie propre.
  • Réinventer l’alimentation : adopter des régimes durables ; réduire le gaspillage ; rendre les systèmes agricoles résilients.
  • Restaurer les écosystèmes : étendre les aires protégées ; restaurer les terres dégradées ; renforcer l’adaptation climatique via les solutions fondées sur la nature.

Ces transformations ne sont pas seulement techniques. Elles exigent des changements culturels, sociaux et politiques majeurs, incluant la valorisation des savoirs autochtones et des connaissances locales, longtemps marginalisés alors même qu’ils sont essentiels à la résilience des territoires.

Les “super polluants” : un front prioritaire

Au-delà du CO₂, le rapport insiste sur l’urgence de réduire les émissions de “super polluants” — méthane, carbone noir, ozone troposphérique — responsables d’un réchauffement rapide. Une réduction de 30 % du méthane d’ici 2030 permettrait à elle seule d’éviter 0,3 °C de réchauffement à l’horizon 2050. La création de l’Super Pollutants Action Accelerator, lancé à la COP30, ambitionne d’accompagner jusqu’à 30 pays dans cette transition décisive.

Un autre enseignement du rapport est l’importance des synergies entre les conventions internationales — climat, biodiversité, désertification, pollution. La fragmentation actuelle fragilise l’efficacité collective. À Nairobi, lors de la 7ème Assemblée générale des Nations Unies sur le climat, plusieurs présidences de COP ont appelé à une coordination renforcée et à la création d’une feuille de route commune dès 2026.

Cette dynamique s’impose : les crises climatiques, la perte de biodiversité et la pollution ne peuvent plus être traitées séparément. Elles forment un triptyque dont les effets se renforcent mutuellement. C’est donc dans une approche intégrée que la diplomatie environnementale doit désormais s’inscrire.

Investir maintenant, ou payer l’effondrement demain

L’enseignement central de cette évaluation est limpide : le coût de l’inaction dépassera très largement celui des transformations à mener.
Sans changement majeur :

  • la Terre perdra chaque année des zones fertiles équivalentes à la taille de la Colombie ;
  • les déchets plastiques continueront d’inonder sols et océans ;
  • les pertes économiques liées à la pollution s’alourdiront ;
  • les catastrophes climatiques deviendront structurellement plus destructrices.

À l’inverse, une planète restaurée, moins polluée, moins carbonée, constitue la condition d’une prospérité durable.

Une tribune d’espoir mais aussi de responsabilité

Le GEO-7 n’est pas seulement un avertissement. C’est une feuille de route. Il rappelle que la transition écologique n’est ni un luxe ni une option, mais le socle sur lequel repose la stabilité des sociétés humaines. L’alternative se résume ainsi : subir la fragmentation du monde ou choisir sa reconstruction.

L’avenir ne dépend pas d’une innovation miracle, mais d’une multitude de décisions politiques, économiques et collectives dont l’humanité connaît déjà les contours. L’heure n’est plus à l’incertitude : elle est au courage.

Chiencoro Diarra 


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