Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités maliennes de la transition ont ouvert un vaste chantier de relance économique, à travers notamment l’industrialisation du pays. Pour analyser cette dynamique des autorités au pouvoir, Sahel Kunafoni s’est entretenu avec Modibo Mao Makalou. Il est économiste et gestionnaire financier, ancien Sherpa de la Commission de l’Union africaine et du Nouveau Partenariat pour le Développement en Afrique (NEPAD). M. Makalou est également ancien Conseiller pour les Affaires économiques et financières à la Présidence de la République du Mali. Nous vous invitons à lire l’intégralité de notre entretien
Sahel Kunafoni : sous la transition, plusieurs industries s’installent. D’autres sont relancées par les autorités au pouvoir. Quelle lecture faites-vous de cette industrialisation du Mali ?
Modibo Mao Makalou : après l’annonce des plans de relance de l’Usine maliennes des produits pharmaceutiques (UMPP), de la Compagnie malienne des textiles (COMATEX), les autorités de la transition affichent leur volonté de poser les jalons de l’industrialisation et de la relance de l’économie malienne à travers les produits manufacturés « Made in Mali».
Quels sont les principaux défis à relever, pour garantir la pérennité de cette tendance ?
Les infrastructures de base comme les routes, les technologies de l’information et de la communication, l’assainissement, l’énergie électrique et l’accès au crédit bancaire restent des défis importants pour la production nationale au Mali ainsi que dans de nombreux pays africains. Les contraintes existantes en matière d’infrastructures et de main-d’œuvre qualifiée affectent la productivité des entreprises d’environ 40%.
En quoi l’industrialisation peut-elle assurer la souveraineté économique du Mali ?
L’Agenda 2063 qui constitue le cadre stratégique de l’Union africaine pour la transformation socio-économique de l’Afrique, appelle à promouvoir des plans sectoriels et de productivité, ainsi qu’à développer des chaînes de valeur régionales et de produits de base pour appuyer la mise en œuvre de politiques industrielles à tous les niveaux. Il s’agit essentiellement de promouvoir l’industrialisation, la production et l’exportation des produits à valeur ajoutée et la création d’emplois durables.
Des études empiriques suggèrent qu’une croissance économique forte, soutenue, inclusive et bien partagée est un des meilleurs moyens pour réduire la pauvreté, car elle permet d’augmenter les revenus des populations vulnérables, améliorant ainsi leur pouvoir d’achat et leurs conditions de vie.
Il n’échappe à personne que le développement industriel dans un pays comme le Mali est une condition indispensable pour la croissance soutenue et inclusive.
L’industrialisation est un levier important qui permettrait aux pays africains d’atteindre des taux de croissance plus élevés, de diversifier leurs économies et de réduire leurs vulnérabilités aux chocs extérieurs. Cela contribuerait substantiellement à la création d’une croissance économique, forte, durable et inclusive, créatrice d’emplois et de richesses. L’industrialisation a aussi un effet multiplicateur sur l’emploi, car chaque emploi dans le secteur manufacturier crée environ 2,2 emplois dans d’autres secteurs.
Quel impact la relance de la Comatex aura-t-elle sur la production du coton au Mali ? Avec le redémarrage de la COMATEX, le Mali pourra-t-il se passer des tissus industriels importés ?
Dans le domaine du textile, la filature est l’ensemble des opérations qui concourent à la fabrication d’un fil utile. C’est plutôt la production de coton et la disponibilité du coton qui constitue la matière première pour la production des fils. Dans un monde interconnecté et la libéralisation des échanges commerciaux, il sera difficile de concurrencer dans l’immédiat le textile provenant de l’Asie, mais avec la valorisation culturelle et artistique malienne l’industrie textile malienne pourrait s’imposer à moyen et long terme.
Il est annoncé la création de deux usines de filature au Mali. Quelle interaction entre la comatex et ces unités de filature ?
Eximbank Chine et la toute nouvelle Société malienne de filature (SOMAFIL), créée par la Transition, ont trouvé un accord portant sur le financement de la construction de 2 usines de filature au Mali. Le capital de la nouvelle société est détenu à 85 % par l’État du Mali via la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) et à 15 % par le partenaire chinois. Le volume de l’investissement est estimé à plus de 300 millions de dollars. Avec la relance de la COMATEX, la création des 2 usines de filature permettra de transformer le coton produit au Mali sur place tout en créant de la valeur ajoutée et des emplois.
Comment voyez-vous l’avenir économique du Mali ?
L’analyse empirique démontre qu’une vision stratégique et une véritable politique industrielle sont indispensables pour la transformation et le développement durable. L’industrialisation permet de diversifier, d’améliorer la productivité, de même que la compétitivité des économies africaines et de préserver ces économies des chocs extérieurs tout en renforçant leurs résiliences en créant de nombreux emplois et de la valeur ajoutée. Surtout le secteur industriel, s’il est productif, peut avoir un effet de levier sur la productivité des autres secteurs de l’économie.
Propos recueillis par Bakary Fomba
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