La justice sociale est également gage de développement et de stabilité dans les États démocratiques. Mais au Mali, il parait évident que l’on se plait à promouvoir la médiocrité à travers le favoritisme ou les petits arrangements. L’avènement du Mali nouveau passe alors aussi par la promotion du mérite.
« Le premier à l’école n’est pas le premier dans la vie », dit un adage bien connu de chez nous. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Tout premier à l’école, qui a mérité son rang cultive en lui une véritable aversion contre certaines pratiques, devenues pourtant la mode dans la quasi-totalité des sociétés maliennes. Il tente tant bien que mal de cultiver autour de soi l’amour pour l’excellence, le respect aux lois de la république.
Les citoyens maliens qui décident de suivre cette voie de l’excellence et de respect aux normes réglementaires réussissent difficilement. Ils sont laissés pour compte, parce qu’ils n’ont pas de bras long, parce qu’ils refusent de glisser des pots-de-vin lors des concours de recrutements ou pour toute autre opportunité, parce qu’ils veulent se conformer aux lois.
La « médiocrité » a acquis valeur de vertu au Mali. Elle est devenue un modèle pour la gestion de la quasi-totalité des affaires publiques. Même sur la scène politique, il est très rare de voir des hommes de grande culture intellectuelle réussir. Car du moment où la politique est devenue le lieu par excellence du mensonge et où le peuple ne souhaiterait entendre que ce qui plait à l’ouïe, il est difficile qu’un homme de bonne moralité y fasse carrière.
De la corruption à ciel ouvert
Les recrutements, les nominations sont rarement fonction des compétences au Mali. Ils se dont par affinités ou à travers de petits arrangements. Au fond, la construction de l’État n’est plus un souci, mais plutôt ces arrangements qui tuent à petits feux la démocratie. « Tout se vend et tout s’achète », voilà la norme dans notre république. La dégénérescence semble atteindre le summum. L’inversion des valeurs semble consommée.
Au Mali, même l’accès à un stage est tributaire de relations et non plus de compétences. Les compétents sont délaissés au détriment de ceux qui ne sont pas aptes à exercer les fonctions qui leur sont assignées. Cette situation, qui n’est qu’un encouragement à la médiocrité, a comme conséquence la corruption à ciel ouvert et la mauvaise gouvernance.
Érigée en norme politique et sociale, la médiocrité a pris d’assaut des appareils de l’État, des organisations de la société civile, des partis politiques, etc. Les quelques personnes de bonne moralité qui se sont imposé une certaine ascèse intellectuelle peineront alors, même si elles sont nommées à un poste de responsabilité, de coïncider parfaitement avec elles-mêmes. C’est pourquoi elles préfèrent dans la plupart des cas de démissionner le plus tôt que possible. Car le risque de cohabiter avec des carnivores, c’est de devenir comme eux ou de se laisser dévorer.
« Rendre à César ce qui appartient à César »
Cet encouragement à la médiocrité s’est propagé à tous les niveaux. Des associations, des mouvements fleurissent comme des champions en vue de la défense de tel ou tel intérêt public. Mais au fond, ils ne visent que la satisfaction d’intérêts personnels. À chaque fois que des opportunités se présentent, priorité aux membres, même s’il se trouve que ceux-ci n’ont pas le niveau requis pour exécuter le projet pour lequel ils sont sollicités.
Dans la société tout comme sur les réseaux sociaux, seuls ceux qui parlent sans arguments ni cohérence sont écoutés ou suivis. On n’accorde plus de valeur à la compétence, mais aux relations individuelles. Dans les médias, tout le monde est devenu spécialistes parce qu’on invite là aussi par affinité lors des débats.
De telles situations ne peuvent nullement permettre un développement durable et par ricochet la stabilité tant recherchée devient un mirage. Ce n’est pas fortuit si des intellectuels de l’antiquité, comme Platon, avaient demandé à confier le pouvoir politique à ceux ayant acquis une certaine maturité intellectuelle. Une manière d’inviter à la culture de l’excellence dans la gouvernance. Mais dans la démocratie malienne, cette culture de l’excellence reste au stade de la theoria sans jamais atteindre la praxis. Il est difficile qu’un pays se construise si les citoyens ne sont pas traités selon le mérite.
Pour arriver au Mali nouveau, chanté sur tous les toits, il convient de réussir au préalable ce changement de comportement en rendant à « César ce qui appartient à César ». L’intérêt public doit primer aussi bien que les compétences. Pour paraphraser un penseur de l’Antiquité grec, les maux ne cesseront que lorsque le premier à l’école sera le premier dans la vie, tant qu’il le mérite.
Fousseni Togola
Source : maliweb.net
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