Six jours après la démission du gouvernement de transition et la reconduction du Premier ministre, les tractations sont toujours en cours pour la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale. Les leaders du M5-RFP semblent déterminés à se tailler la part du lion dans le nouveau, et sûrement le dernier, gouvernement de transition. Cette volonté met le M5 sur une pente savonneuse.
Vendredi 14 mai 2021, Moctar Ouane et son gouvernement ont démissionné avant que le président de transition, Bah Ndaw ne reconduise le Premier ministre à sa fonction de chef de gouvernement. Il le charge ainsi de la formation d’un nouveau gouvernement beaucoup plus inclusif, qui tarde à voir le jour, six jours après la démission du précédent. Cette situation intervient alors que les autorités de transition ont épuisé la moitié des 18 mois qui leur sont accordés.
Le M5-RFP bientôt à table ?
Ce changement au niveau de la deuxième institution de la République a lieu après plusieurs rencontres, notamment avec le M5-RFP, la classe politique ainsi qu’après une visite de suivi-évaluation de la transition par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Le M5, aussi bien devant le président de transition que devant les émissaires de la Cédéao, a exprimé son désir de la démission du Premier ministre actuel ainsi que de la dissolution du Conseil national de transition (CNT).
« [ndlr] Le Comité stratégique du M5-RFP prend acte de cette démission [celle du PM et de son gouvernement ndlr] , et rappelle qu’il n’a été ni consulté ni associé à ce changement, qui, de toute manière, ne répond ni à ses attentes ni à ses dix (10) mesures formulées le 6 mai 2021, lors de sa rencontre avec le Président de la Transition, Bah N’DAW. », indique le M5 dans son communiqué du 15 mai 2021.
Ce mouvement hétéroclite, à la base du départ d’IBK et qu’on estimait « mort de sa belle mort », souhaite que la réalité du pouvoir revienne aux civils au lieu d’être « détenue par la Junte militaire ». En plus de tous ces aspects, « Le M5-RFP estime également que la problématique du Conseil national de transition (CNT), illégitime et illégal, restera entière jusqu’à sa dissolution ». Il est prêt à poursuivre sa mobilisation jusqu’à l’atteinte de ses objectifs « de Rectification de la Transition pour la Refondation du Mali ».
Dans les coulisses, la dissolution ou simplement le remembrement de l’organe législatif de la transition serait déjà sur la table de discussion. En même temps, les rencontres entre le M5-RFP, le chef de l’État et son Premier ministre se multiplient en vue de négocier l’entrée de ce mouvement dans le nouveau gouvernement.
Le Mali nouveau sacrifié ?
Ce mouvement contestateur, qui a joué un véritable rôle d’opposition politique bien avant la mort de l’ex-chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé, se trouverait sur une pente glissante s’il acceptait de se tailler une part de lion dans ce nouveau gouvernement. Certes, il ne fait pas de doute que c’est ce que ses leaders ont toujours souhaité, mais leur intégration est lourde de conséquences pour le Mali et pourrait accentuer le désespoir des Maliens et les affermir dans leur position : les politiques ne défendent que leurs intérêts.
Pourtant, le pouvoir a ses réalités qu’on ne découvre qu’une fois dedans. L’on ne découvre ses pièges qu’une fois à l’intérieur. Les conditions posées par le M5, comme la démission de Moctar Ouane et la dissolution du CNT, lui sera-t-il accordé ? Accepter d’occuper des postes dans le nouveau gouvernement sans la satisfaction de ces conditions ne prouverait-il à suffisance que ce mouvement ne menait jusqu’ici qu’une lutte d’intérêts ?
En réussissant à décrédibiliser ainsi le M5, les autorités de transition pourraient ainsi se protéger d’une ceinture de sécurité. Tout ce dont les Maliens ont eu peur, dont la prolongation du délai de la transition, pourrait facilement se concrétiser.
Dans ce besoin de protection, les autorités de transition ont pourtant peu de choix que d’intégrer des membres influents de ce mouvement hétéroclite. La stabilité politique et institutionnelle tant voulue ne passerait que par là dans leur entendement. La plupart des leaders de ce mouvement sont également conscients que ce gouvernement leur offre une dernière chance d’occuper des postes politiques importants au Mali.
Toute cette situation ne pourrait que tourner dans le désavantage du peuple malien qui a cru à une véritable renaissance avec cette transition. Cette intégration, si elle se concrétise, marquera également la fin du M5.
Fousseni Togola
Source: maliweb.net
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