Home InvestigationsAnalyses Dr Aïcha Yatabary : « Le budget de l’État consacré à l’environnement gagnerait à être augmenté »

Dr Aïcha Yatabary : « Le budget de l’État consacré à l’environnement gagnerait à être augmenté »

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La coupe abusive du bois est une réalité palpable dans plusieurs pays du monde, notamment africains où même les forêts classées n’y échappent pas. Pourtant, il n’est de secret à personne que les arbres jouent un rôle primordial dans la vie de l’être humain.

Pour parler de ce phénomène, susceptible d’« augmenter les taux de Co2 atmosphériques », Sahel Kunafoni s’est tourné vers Dr Aïcha Yatabary, médecin de formation, consultante en santé publique axée sur le développement durable. Dans cet entretien exclusif, Dr Aïcha Yatabary évoque entre autres les causes de la dégradation constante de l’environnement. Tout en expliquant les effets du changement climatique en général et les conséquences de la coupe abusive du bois. Elle évoque aussi l’impact de l’orpaillage par drague sur nos cours d’eau et propose également des mécanismes pour l’hygiène et l’assainissement dans nos grandes agglomérations. Nous vous invitons à lire l’intégralité de cet entretien.

Sahel Kunafoni : quelle lecture faites-vous de la dégradation croissante de l’environnement au Mali ?

Dr Aïcha Yatabary : la dégradation constante de l’environnement au Mali est due en grande partie aux activités humaines, mais aussi aux effets du changement climatique.

Concernant les activités humaines, citons les activités artisanales (teinturières…), minières, industrielles (produits chimiques…), agricoles (pesticides et engrais), sans oublier les mauvaises habitudes comme le dépôt anarchique des ordures ménagères qui entraine lui-même l’obstruction des voies d’évacuation des eaux usées et la collection d’eau sale, elle-même responsable des maladies de l’eau sale comme le choléra, la typhoïde… Ces mauvaises habitudes comptent aussi parmi elles la coupe anarchique du bois pour les besoins ménagers.

Le changement climatique est quant à lui responsable d’inondations dans certaines zones et de sécheresse dans d’autres, avec un risque d’insécurité alimentaire. Quant à la pollution citée plus haut, elle augmente la mortalité au sein de la population générale.

En quoi le changement climatique peut-il être source d’inondation, d’insécurité alimentaire ou de maladies ?

Comme précédemment évoqué, le changement climatique est responsable d’inondations dans certaines régions du Sahel et de sécheresse dans d’autres. Toutes choses qui pourraient entrainer une insécurité alimentaire dans une région déjà fragile et y augmenter le taux de pauvreté. Car une grande partie de ces populations vivent d’activités comme l’agriculture, l’élevage ou la pêche, qui sont fortement dépendantes de la pluviométrie. N’oublions pas non plus les risques de conflits liés à l’eau.

Par ailleurs, le changement climatique, en plus de l’augmentation des maladies hydriques selon le mécanisme cité plus haut, est susceptible d’augmenter les maladies respiratoires (notamment par la pollution de l’air qu’il favorise) et cardiovasculaires (le lien entre la chaleur et certaines affections cardiovasculaires est maintenant établi).

Quelle est la responsabilité de ces pays dans ce phénomène ?

La responsabilité des pays face au changement climatique est de mesurer tout d’abord l’impact de ce phénomène à leur échelle, par l’intermédiaire d’études d’experts, dans une logique de transdisciplinarité. Il s’agit aussi de mener des stratégies toujours à leur échelle, et qui s’intègrent dans la stratégie internationale.

La coupe abusive du bois est une réalité palpable dans les pays africains, même les forêts classées n’y échappent pas. En quoi ce phénomène expliquerait-il aussi le réchauffement climatique dans nos contrées ?

Il est admis que les arbres permettent la biosequestration du carbone. La quantité de carbone piégée dans les écosystèmes terrestres est trois fois plus élevée que celle atmosphérique. Diminuer cette capacité de biosequestration des arbres en les coupant, c’est augmenter les taux de Co2 atmosphériques.

Pour limiter l’émission des gaz à effet de serre, il faut donc lutter efficacement contre la déforestation.

Que faut-il concrètement pour mieux protéger nos forêts classées ?

Il faut voter des lois pour punir la notion d’« écocide », c’est-à-dire crime contre la nature. Il faut également lutter contre la dégradation des forêts, et améliorer leur gestion.

Quel impact peut avoir l’orpaillage par drague sur nos cours d’eau ?

L’utilisation du mercure et du cyanure, qui sont utilisés pour la récupération de l’or, constituent une grave menace pour les systèmes fluviaux.

Quelle analyse faites-vous des politiques de protection de l’environnement des autorités transitoires du Mali, de la Guinée, du Burkina et du Tchad ?

Sans vouloir m’aventurer dans les politiques menées par ces autorités en Guinée et au Tchad, je dirais que pour le Mali, il y a eu des efforts pour lutter contre l’insalubrité, mais le budget de l’État consacré à l’environnement gagnerait à être augmenté et les efforts du gouvernement gagneraient à être menés de façon intégrée, systémique et transversale.

Quand on sait la part de l’agriculture dans l’économie de nos pays, et à quel point celle-ci est dépendante de la pluviométrie, nous gagnerions à mieux nous pencher sur la question de l’environnement et du changement climatique.

Au Burkina Faso, je peux dire que Thomas Sankara l’écologiste avant-gardiste a déjà montré la voie (agroécologie, plantation d’arbres, etc.)

Dans la plupart de nos grandes villes, comme Bamako, il n’est pas rare de voir des eaux usées, des déchets humains dans les rues. Pourtant, ces éléments peuvent constituer des menaces pour la santé humaine. Quel regard portez-vous sur l’hygiène et l’assainissement dans nos grandes agglomérations ?

Je parlerai en termes de solutions. Dans un premier temps, il faut : renforcer les approches intégrées qui voient intervenir les ministères de l’hydraulique, de l’assainissement et de la Santé. Il faut également éduquer les populations pour le changement de comportement. De même, il faut augmenter le budget de l’État dédié à l’assainissement. Tout en construisant plus de latrines et de sanitaires, surtout dans certaines zones, il faut également améliorer le fonctionnement des systèmes d’évacuation des eaux usées.

Propos recueillis par Bakary Fomba


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