À l’issue d’une année 2025 marquée par des crises climatiques à répétition, experts, institutions et scientifiques réunis par Africa 21 appellent à renforcer les systèmes d’alerte précoce, accélérer l’adaptation et préparer une COP32 « africaine » stratégique – tout en se prémunissant contre la montée de la désinformation.
Inondations meurtrières au Nigeria, cyclones au Mozambique, sécheresse historique au Maroc… Le bilan climatique 2025 présenté lors du premier « Rendez-vous de l’environnement » organisé par Africa 21, un consortium de journalistes spécialistes des questions environnementales, est sans appel.
« Sur les huit premiers mois de 2025, l’écart thermique mondial était déjà de +1,42 °C », rappelle Brigitte Perrin, responsable communication de l’OMM. Malgré un épisode La Niña, les extrêmes se multiplient.
Le continent paie un lourd tribut :
- Nigeria – 207 morts lors des inondations de mai.
- RDC – 165 morts après les crues d’avril.
- Afrique du Sud – 15 000 déplacés en juin.
- Maghreb – 7e année consécutive de sécheresse au Maroc.
« L’Afrique n’est pas victime, elle est porteuse de solutions »
Pour Durrel Halleson du WWF Afrique, la réalité est double : « Les effets sont là, mais les solutions aussi. Les Africains veulent être perçus comme porteurs de réponses. »
Du bassin du Congo à la Grande Muraille Verte, en passant par les innovations agricoles au Cameroun, les intervenants soulignent la montée en puissance d’initiatives locales efficaces.
Même constat pour Dr Al Hamndou Dorsouma (BAD), qui insiste sur les opportunités du continent :
- 45 % du potentiel mondial en énergies renouvelables,
- 65 % des terres arables encore disponibles,
- le plus grand puits de carbone planétaire : le bassin du Congo,
- une urbanisation rapide permettant d’« éviter les erreurs du Nord ».
Adaptation : la bataille cruciale
La Banque africaine de développement rappelle que 9 des 10 pays les plus vulnérables au monde sont africains, dont le Tchad et la RDC. Elle oriente désormais 60 % de son financement climatique vers l’adaptation, notamment via :
- un programme de 25 milliards USD,
- un guichet d’action climatique ayant financé 41 projets en 2024.
- L’OMM met en avant l’initiative « Alerte précoce pour tous », qui a déjà permis de doubler en 10 ans le nombre de pays africains dotés de systèmes d’alerte.
COP30 : avancées, déceptions et enjeux pour la COP32
Présent à Belém, le WWF rappelle les acquis :
- Triplement du financement de l’adaptation à horizon 2035,
- Adoption de 159 indicateurs mondiaux pour mesurer l’adaptation,
- Reconnaissance du rôle des femmes, peuples autochtones et communautés afrodescendantes,
- Engagements financiers pour les forêts (notamment 5,5 milliards USD pour les forêts tropicales).
Mais deux dossiers restent bloqués :
- la sortie des énergies fossiles,
- un accord global sur les forêts, repoussé à la COP31.
COP32 en Éthiopie : à l’Afrique de prendre le leadership
« Chaque fois qu’une COP se tient en Afrique, on annonce une “COP africaine”. Mais cette fois, il faut qu’elle le devienne réellement », insiste le WWF.
Les priorités africaines déjà identifiées : une architecture financière adaptée, un accès simplifié au financement climatique, une transition énergétique juste, une valorisation des solutions africaines (Congo, énergie, agriculture).
Pour la BAD, l’Afrique doit aussi évaluer ses propres initiatives lancées depuis Paris 2015.
L’autre menace : la désinformation climatique
Brigitte Perrin (OMM) alerte : « Une vague de désinformation climatique s’abat sur l’Afrique. Elle touche d’abord l’Afrique anglophone, puis gagnera l’Afrique francophone. »
Avec l’IA générative, les fake news climatiques explosent. En réponse, la COP30 a adopté la Déclaration sur l’intégrité de l’information, soutenue par l’UNESCO et l’OMM.
La BAD rappelle, de son côté, ses engagements, à savoir: un premier Fonds pour les forêts du bassin du Congo (2008), 6,5 milliards USD pour la Grande Muraille Verte, le soutien à la restauration des terres et des écosystèmes.
Concernant les mangroves, essentielles au littoral ouest-africain, il n’existe pas encore d’initiative mondiale dédiée, mais de nombreux projets nationaux sont en cours (Sénégal, Côte d’Ivoire, Nigéria…).
Entre urgence et action, l’Afrique se prépare
Le tableau dressé est grave, mais les intervenants restent optimistes. Le continent dispose d’atouts majeurs, d’une société civile active, de chercheurs reconnus et d’un dynamisme institutionnel renforcé par l’arrivée de nouveaux sièges onusiens à Nairobi.
La COP32 offrira une vitrine unique pour porter une vision africaine du climat – à condition que les gouvernements s’organisent, que les médias s’arment face à la désinformation, et que les partenaires internationaux jouent enfin leur rôle.
Chiencoro Diarra
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