Le monde a célébré le mercredi 15 avril 2020, la Journée mondiale de l’art. Une célébration qui intervient dans un contexte assez particulier : la pandémie du coronavirus. À cette occasion, nous avons rencontré un jeune artiste malien, Arouna Sangaré, peintre-dessinateur. Il nous parle des difficultés que traversent les artistes maliens.
Phileingora : qu’est-ce que l’art représente pour vous ?
Arouna : l’art pour moi est beaucoup plus une passion qu’un métier. Je suis né artiste. Car je n’ai ni fait une école professionnelle d’artiste ni un institut de formation en la matière. Mais beaucoup pensent que j’ai fait le Conservatoire des arts et métiers multimédias Balla Fassaké Kouyaté de Bamako ou l’INA. Mais je n’ai rien fait de tout cela. Je suis philosophe de formation et présentement je suis professeur d’enseignement secondaire général au Mali.
Vous êtes peintre-dessinateur. Quel avenir voyez-vous en ce métier au Mali ?
L’avenir de ce métier au Mali n’est pas rassurant. Il est difficile de vivre de l’originalité de son art en Afrique, précisément au Mali. L’art n’est pas tellement valorisé dans notre milieu. Le Malien croit pouvoir vivre sans l’art alors que sa vie même est de l’art. Aujourd’hui, la jeunesse malienne s’oriente de plus en plus vers la musique. Or, celle-ci est de l’art. La façon de se coiffer, de s’habiller, etc., toutes celles-ci sont de l’art.
Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que chaque artiste a sa façon de faire les choses. Je prends l’exemple sur Sidiki Diabaté. Cet artiste sait beaucoup jouer la Kora. Mais il ne fait pas que jouer cet instrument musical, il chante aussi. On voit en lui un artiste qui s’attèle beaucoup plus à ce qu’on appelle en littérature le lyrisme personnel. Mais peut-être qu’il a aussi le potentiel de s’engager dans un art beaucoup plus engagé, comme dénoncer les injustices de la société.
Néanmoins, Sidiki serait sûrement conscient que s’il ne fait pas le lyrisme personnel, il va vivre difficilement de son art. C’est pourquoi chaque fois qu’il chante, on sent de l’amour. Or, nous savons que l’amour n’a pas de frontière. Il est universel. Il est demandé par tout le monde. C’est cela le talent de cet artiste. Ce qui est sûr, Sidiki Diabaté est un maestro de la Kora.
Au Mali, en tant qu’artiste il faut être polyvalent. C’est pourquoi l’artiste est obligé de renoncer à son originalité pour servir la population. On ne peut pas vivre sans l’art, mais on le marginalise. C’est un véritable paradoxe.
Vous avez dit que l’art n’est pas valorisé au Mali. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le dessinateur et le peintre ne sont pas valorisés au Mali. L’art est un monde assez diversifié. Aujourd’hui, le secteur de la musique commence à être très dense dans notre pays. Sidiki Diabaté ainsi que Iba One sont des artistes qui vivent de leur art. La jeunesse se convertit de plus en plus dans la musique. Mais en tant que dessinateur, s’il faut vivre simplement du dessin, ce sera très difficile. C’est pourquoi beaucoup se reconvertissent dans d’autres secteurs. Il est difficile de s’épanouir dans le dessin et la peinture. Parce qu’ils ne sont pas valorisés.
Qu’est-ce qu’il faut alors aujourd’hui, selon vous, pour valoriser l’activité des artistes maliens ?
Il faudrait faire recours à l’État. Lui, il peut être d’une grande importance dans la valorisation des artistes. En plus de l’État, il faut aussi que les acteurs sociaux qui, sans pour autant être dessinateurs ou peintres, peuvent donner un coup de pouce à ce secteur.
Je pense qu’en cela, on peut se référer à la politique de Thomas Sankara. Celui-ci avait conçu une politique consistant à consommer Burkinabè. Si nous consommons aussi Malien, cela permettrait sans doute de plus valoriser ce secteur.
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Pour la conception des tableaux, des décors dans nos administrations publiques ou privées, on peut faire appel à des peintres ou dessinateurs maliens. On a déjà vu l’exemple avec le jeune peintre qui a fait un joli tableau de Sidiki Diabaté. Quand Sidiki a vu le tableau, il était très ému. Ce qui a fait que le jeune artiste a été sollicité par d’autres personnes.
L’État peut s’investir dans ce sens. Il ne s’agit pas seulement de valoriser les artistes peintres-dessinateurs, mais les artistes de façon générale. Si on consomme l’art malien, c’est les artistes maliens qui vont s’épanouir.
Quel impact le Coronavirus a-t-il eu sur vos activités ?
Le coronavirus a beaucoup touché nos activités de production, puisque les choses ne sont plus comme avant. Il faut être chez soi à 21 h. Or, c’est la nuit que généralement beaucoup de boutiquiers reçoivent assez de clients et nous font appel pour leurs publicités sur les murs ou sur les plaques, etc. Avec ce couvre-feu, ils sont obligés de rentrer chez eux à 21 h. Du coup, nous, dessinateurs-peintres, ressentons les effets.
Quel sera votre dernier mot ?
Le dernier mot que j’ai est de remercier M. Togola d’avoir pensé à moi. Ce fut un réel plaisir. Je lui souhaite un bon courage pour ce qu’il fait. Je demande aussi aux autres artistes de ne pas se décourager. Parce qu’on pourrait se servir de ce confinement pour relancer nos activités. Il faut être ingénieux quand on est artiste. On peut se profiter de cette période pour faire des tableaux, des dessins.
Bien vrai que la peinture et le dessin ne sont pas valorisés chez nous, il faut reconnaître qu’il y a des personnes à qui ces dessins et peintres parlent. Il ne faudrait donc pas qu’on se désespère. Il faudrait au contraire se profiter de ce confinement pour plus de créativité. Enfin, je demande à l’État de s’investir pour booster ce secteur qui va très mal au Mali. Que Dieu sauve le monde ! Que Dieu sauve le Mali !
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