La gestion de l’Ambassade du Mali à Genève est entachée d’irrégularités financières et d’avantages indus, révélant un déficit de caisse massif et une administration opaque, désormais sous la menace d’une action judiciaire.
La diplomatie malienne vacille sous le poids des scandales. La récente vérification financière menée par le Bureau du Vérificateur général (BVG) sur la gestion de l’Ambassade du Mali à Genève entre 2021 et 2024 dresse un constat implacable : irrégularités administratives, dépenses injustifiées, avantages indus et un déficit de caisse abyssal. Dans un contexte de restrictions budgétaires, cette gestion chaotique met en lumière les dérives d’une administration qui peine à rendre des comptes.
La première anomalie relevée est d’ordre administratif. Le Secrétaire Agent Comptable (SAC), pourtant en charge de la gestion financière, ne tenait pas les registres et documents comptables exigés par la réglementation. « La non-tenue de l’ensemble des registres et documents comptables ne permet pas d’avoir un aperçu fiable et exhaustif de la situation financière et patrimoniale de l’Ambassade », souligne le rapport du BVG. Pire encore, les dépenses ne suivaient pas la chronologie requise et étaient enregistrées de manière irrégulière, compromettant la transparence des opérations.
Des avantages indus distribués à la pelle
Au fil des années, l’Ambassade est devenue une vache à lait pour certains de ses cadres. Le rapport révèle que l’Ambassadeur et le Secrétaire Agent comptable ont octroyé des sommes d’argent considérables sous des prétextes discutables. « Ils ont payé au personnel diplomatique sans base légale et sans pièce justificative des sommes en numéraire qualifiées de “perte aux changes” pour un montant total de 41 359 544 FCFA », détaille le BVG. Ajoutons à cela des dotations forfaitaires en téléphone et carburant non prévues par la réglementation (70 564 339 FCFA), ainsi que des prises en charge abusives des frais d’internet et de télévision de la résidence de l’Ambassadeur.
Les fêtes religieuses n’étaient pas en reste. Des gratifications indues à hauteur de 10 462 964 FCFA ont été distribuées au personnel diplomatique à l’occasion du ramadan et de la Tabaski. Au total, ce sont près de 126 millions FCFA qui ont été versés en avantages sans aucune justification légale.
Un gouffre financier non justifié
L’opacité ne s’arrête pas là. L’enquête a mis au jour un déficit de caisse de 76 175 967 FCFA, un trou béant dont les gestionnaires de l’Ambassade n’ont pu fournir d’explication satisfaisante. Par ailleurs, des remboursements de frais médicaux ont été effectués alors que les bénéficiaires étaient déjà couverts par une assurance complète. « Ils ont pris en charge 100 % des frais dentaires au lieu des 50 % prévus par la réglementation », souligne encore le rapport. Le montant total de ces remboursements indus s’élève à 9 674 292 FCFA.
Si les irrégularités sont nombreuses, certaines frisent le scandale. L’Ambassade a justifié une dépense de 7 831 119 FCFA par une facture falsifiée pour des travaux d’entretien. Problème : l’entreprise censée avoir réalisé ces travaux avait cessé ses activités bien avant la date indiquée sur la facture.
Autre révélation troublante. L’ancien Ambassadeur a disparu avec des équipements achetés pour sa résidence. « Aucun des équipements acquis après 2015 ne figurait dans l’inventaire de 2023 », affirme le rapport. Valeur totale des équipements disparus : 10 354 333 FCFA.
Vers une action judiciaire ?
Face à ces dérives, le Vérificateur général a décidé de transmettre le dossier au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Procureur de la République du Pôle national économique et financier. Une enquête judiciaire pourrait être ouverte, avec des sanctions potentielles contre les responsables de ces détournements présumés.
Alors que le Mali traverse une crise financière et sécuritaire, cette affaire illustre les failles du contrôle budgétaire dans les représentations diplomatiques. Si les sanctions ne suivent pas, le sentiment d’impunité risque de perdurer, sapant encore un peu plus la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Chiencoro Diarra
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