Le deuxième sommet des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel (AES) s’est tenu, sans anicroche, du 22 au 23 décembre 2025 à Bamako, au Mali. À l’issue de la rencontre, le Général d’Armée Assimi Goïta, Président de la Confédération, a passé le témoin à son homologue du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré. Ce passage de témoin reflète la solidité de la Confédération et prouve à suffisance que les dirigeants des trois pays ont su éviter les causes de l’échec de l’éphémère Fédération du Mali.
Le 27 octobre 1946, sur proposition des autorités, les Français acceptent, par référendum, la Constitution de la IVᵉ République qui prévoit la création de l’Union française, en remplacement de l’empire colonial français. Cette Union française consistait à instituer, dans chaque territoire, une assemblée élue. Dans les groupes de territoires, la gestion des intérêts communs est confiée à une assemblée composée de membres élus par les assemblées territoriales.
L’adhésion du Bénin et du Burkina
Les organes centraux de l’Union française étaient la présidence — revenant au Président de la République française —, le Haut Conseil, composé d’une délégation du gouvernement français et de représentants de chaque État associé, et l’Assemblée de l’Union française, composée pour moitié de membres représentant la France métropolitaine et pour moitié des représentants des départements et territoires d’outre-mer et des États associés.
Représentées dans le Haut Conseil et dans l’Assemblée de l’Union française, les populations d’outre-mer l’étaient également à l’Assemblée nationale et au Conseil de la République (nom donné alors au Sénat). C’est dans ce cadre que des élections furent organisées dans les territoires coloniaux. Plusieurs leaders africains se retrouvèrent ainsi dans les instances dirigeantes, notamment au Parlement et au gouvernement français.
Au fil des années, jusqu’en 1957, les leaders africains réclamèrent davantage d’autonomie pour chacun des territoires. Face à cette situation, le 8 août 1958, le chef de l’État français, le Général Charles de Gaulle, annonça, dans une allocution télévisée, que les territoires africains auraient à choisir entre l’indépendance et l’association à la France. Le 28 septembre 1958, les Français de la métropole et les Africains furent appelés à se prononcer, par référendum, sur l’adoption de la Constitution de la Vᵉ République et sur la mise en place de la Communauté, appelée à remplacer l’Union française et à préparer les voies de l’indépendance.
Le Mali, une fédération « feu de paille »
La Guinée fut le seul territoire à rejeter le projet de Communauté. À la suite de cet acte, les dirigeants du Soudan (actuel Mali) et du Sénégal décidèrent de former, le 17 janvier 1959, la Fédération du Mali, demeurant au sein de la Communauté. En 1960, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et le Dahomey (actuel Bénin) adhérèrent initialement à la Fédération du Mali. Mais le référendum organisé en mars 1960 en Haute-Volta déboucha sur un rejet massif de la Fédération, tout comme au Dahomey. Ces deux territoires rejoignirent alors le Conseil de l’Entente, composé de la Côte d’Ivoire et du Niger.
Après le départ du Dahomey et de la Haute-Volta, le Soudan et le Sénégal entreprirent de s’organiser. Le 4 avril 1959, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor fut élu Président de l’Assemblée fédérale et le Soudanais Modibo Keïta, Président du gouvernement, tandis que le Sénégalais Mamadou Dia devenait vice-président. Le 28 septembre 1959, Modibo Keïta et Mamadou Dia furent reçus par le Général de Gaulle et lui annoncèrent que la Fédération du Mali comptait accéder à l’indépendance sans quitter la Communauté, ce que le Général accepta.
Les 11 et 12 décembre 1959, lors du Conseil exécutif de la Communauté réuni à Saint-Louis (Sénégal), De Gaulle annonça l’accès à l’indépendance du Mali, par transfert des compétences communautaires, tout en concluant avec la France des accords de coopération. Ces accords furent signés le 4 avril 1960 et ratifiés les 9 et 16 juin 1960 par l’Assemblée nationale française et le Conseil de la République. Le 20 juin 1960, fut proclamée l’indépendance de la Fédération du Mali.
Mais, dès le 19 août 1960, une crise éclata entre Sénégalais et Soudanais, suite à la mise à l’écart de Mamadou Dia par Modibo Keïta. Le 20 août 1960, l’Assemblée sénégalaise décida du retrait du Sénégal de la Fédération du Mali et proclama l’indépendance, récupérant la totalité des pouvoirs. Les frontières entre les deux pays furent fermées. Le 22 septembre 1960, le congrès de l’US-RDA proclama la République du Mali, confirmée ensuite par le Parlement soudanais. Le gouvernement conserva l’hymne et le drapeau de la défunte Fédération.
Ainsi prit fin la Fédération du Mali — un échec né du conflit opposant Léopold Sédar Senghor et Modibo Keïta, des craintes sénégalaises d’une domination soudanaise, et de visions divergentes sur le modèle de développement et l’orientation internationale à adopter.
L’AES résiste à ce qui a fait éclater la Fédération du Mali
La création de l’Alliance des États du Sahel (AES) est issue d’un processus soigneusement préparé. Elle débute le 16 septembre 2023, avec la signature de la Charte du Liptako-Gourma par les Chefs d’État du Mali (Assimi Goïta), du Burkina Faso (Ibrahim Traoré) et du Niger (Abdourahamane Tiani). Cette alliance visait à faire face aux menaces d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, après la prise de pouvoir du Général Tiani en juillet 2023, ainsi qu’aux sanctions économiques imposées aux trois pays.
Le 25 novembre 2023, une réunion des ministres de l’Économie et des Finances se tint à Bamako pour poser les bases économiques de l’alliance, en évaluant les ressources et les stratégies industrielles. Le 28 janvier 2024, les trois pays annoncèrent officiellement leur retrait de la CEDEAO, dénonçant des sanctions « illégales et illégitimes ». Le lendemain, leurs lettres de retrait furent adressées à l’organisation. Le 15 février 2024, les ministres des Affaires étrangères se réunirent à Ouagadougou pour structurer l’architecture institutionnelle de l’alliance.
Ces initiatives communes aboutirent, le 6 juillet 2024, à la création de la Confédération des États du Sahel (AES) lors du premier sommet des Chefs d’État à Niamey.
Depuis cette date, la Confédération ne cesse de se renforcer. Elle dispose aujourd’hui d’un logo, d’un hymne, d’une force militaire unifiée, d’une banque d’investissement et de développement dotée d’un capital initial de 509 milliards de F CFA, d’outils de communication communs (télévision, radio, presse écrite), ainsi que de mécanismes de coordination politique et économique de plus en plus opérationnels.
Au regard de ces réalisations, on peut affirmer que l’AES, contrairement à la Fédération du Mali, a su tirer les leçons des erreurs du passé. Si la Fédération fut une expérience éphémère, la Confédération des États du Sahel, elle, s’enracine dans une vision concertée, pragmatique et souveraine.
Sidi Modibo Coulibaly
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
