Le mois de Ramadan est une période de forte spiritualité qui influence les habitudes de vie, y compris dans le cadre professionnel. Entre adaptation des horaires, gestion de la fatigue et maintien de la productivité, les travailleurs maliens doivent jongler entre leurs obligations religieuses et leurs responsabilités professionnelles. Pour mieux comprendre ces enjeux, nous avons rencontré M. Sissoko Abdoulaye, directeur pédagogique de L’EGI-SUP, qui partage son expérience sur l’impact du jeûne sur le quotidien des travailleurs et les mesures d’accompagnement à privilégier en entreprise.
Sahel Kunafoni : Depuis combien de temps pratiquez-vous le jeûne pendant le Ramadan et quelles sont vos motivations à le faire ?
Abdoulaye Sissoko : Je pratique le jeûne du Ramadan depuis les années 2004-2005. Mes motivations sont avant tout religieuses, avec une quête spirituelle de rapprochement avec Dieu. Cette période est pour moi une occasion de purification physique et mentale, mais aussi un exercice de discipline et d’introspection. En plus de l’aspect religieux, le jeûne est un moyen de renforcer ma patience, ma résilience et ma gratitude envers les bienfaits quotidiens que nous avons tendance à négliger.
Comment le jeûne pendant le Ramadan affecte-t-il votre niveau d’énergie pendant la journée de travail ?
Le jeûne modifie inévitablement le niveau d’énergie, notamment en milieu et fin de journée. Pour y faire face, j’adopte une approche méthodique en organisant mes tâches en fonction de mes pics de vitalité. J’accorde la priorité aux activités les plus exigeantes le matin, quand je suis encore en pleine possession de mes moyens. L’après-midi, je me concentre sur des tâches plus légères pour éviter toute baisse soudaine de productivité.
Les horaires de travail sont-ils ajustés pendant le Ramadan dans votre établissement ? Si oui, comment ces ajustements vous aident-ils à mieux gérer votre journée de travail ?
Oui, notre établissement adapte les horaires pendant le Ramadan. Par exemple, les femmes terminent à 15 h au lieu de 17 h, et les hommes à 16 h. Ces ajustements nous permettent d’être plus efficaces sur une période plus courte et d’éviter une accumulation excessive de fatigue. Cela favorise une meilleure concentration et une meilleure organisation des tâches essentielles avant la baisse d’énergie de fin de journée.
Si vous avez constaté une baisse de votre productivité, comment gérez-vous cette situation au travail ?
Lorsque je ressens une baisse de productivité, je réorganise mes priorités. J’accomplis en priorité les tâches les plus exigeantes le matin et reporte celles qui demandent moins d’effort mental aux moments où l’énergie est plus faible. Si possible, j’adapte aussi mon emploi du temps pour inclure des pauses stratégiques qui me permettent de récupérer et d’éviter le stress accumulé.
Ressentez-vous des effets négatifs sur votre santé pendant le Ramadan, comme de la fatigue, des maux de tête ou des difficultés de concentration ?
La fatigue est inévitable, surtout en raison du manque d’hydratation et du rythme de sommeil modifié. Cependant, je n’ai jamais ressenti d’effets négatifs majeurs. Au contraire, je considère le jeûne comme un moyen de régénération du corps. En m’assurant une bonne hydratation et une alimentation équilibrée lors du sahur et de l’iftar, je parviens à minimiser les désagréments et à maintenir un niveau de concentration correct.
Comment gérez-vous le stress et la pression professionnelle pendant le Ramadan ? Avez-vous des stratégies pour maintenir un équilibre ?
Pour gérer le stress, j’adopte une organisation rigoureuse, je planifie mes journées avec des objectifs clairs et atteignables. J’évite la surcharge de travail en anticipant les tâches et en les répartissant de manière équilibrée. Lorsque la pression devient plus forte, je prends quelques instants pour respirer et me recentrer, ce qui m’aide à garder un bon équilibre entre mes obligations professionnelles et mon état physique et mental.
Le jeûne affecte-t-il votre humeur et vos interactions avec vos collègues ?
Le manque d’énergie peut parfois influencer l’humeur, notamment en fin de journée. Cependant, j’essaie de rester conscient de cela et d’adopter une approche plus tolérante dans mes interactions. J’évite les discussions trop intenses ou stressantes et privilégie une communication calme et posée. En étant attentif à mon état et à celui des autres, il est possible de maintenir une bonne ambiance au travail malgré la fatigue.
Selon vous, quels aménagements ou soutiens pourraient être mis en place dans les entreprises pour améliorer l’expérience des travailleurs pendant le Ramadan ?
Les entreprises gagneraient à offrir plus de flexibilité dans les horaires et à réduire le volume de travail sur les tâches les plus énergivores. L’ajout de pauses stratégiques et la possibilité de télétravail pour certaines missions pourraient aussi être bénéfiques. Ces aménagements montreraient une prise en compte du bien-être des employés, ce qui renforcerait leur engagement et leur motivation.
En tant que travailleur, quels conseils donneriez-vous à vos collègues pour mieux concilier le jeûne et les exigences professionnelles pendant le Ramadan ?
Je leur conseillerais d’être stratégiques dans la gestion de leur temps et de leurs efforts. Il est important de prioriser les tâches exigeantes le matin et d’utiliser l’après-midi pour des missions plus légères. De plus, il faut bien s’hydrater et manger équilibré lors du sahur et de l’iftar pour éviter les coups de fatigue. Enfin, il ne faut pas hésiter à communiquer avec ses collègues et son employeur pour ajuster les conditions de travail si nécessaire.
Interview réalisée et transcrite par Ibrahim Kalifa Djitteye
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